La place de la femme et la question du mariage dans la réflexion sur l’amour et les femmes du début du Cinquecento

DOI : 10.54563/eugesta.289

Résumé

Au tout début du Cinquecento italien, le De mulieribus (1501) de Mario Equicola offre une défense des femmes fondée non seulement sur l’opposition, répandue chez les humanistes, aux thèses misogynes héritées de la tradition médicale antique et médiévale, mais sur une critique vive de la société patriarcale et de la soumission des femmes, en particulier au sein de l’institution du mariage. Ce thème apparaît comme un critère intéressant pour évaluer les thèses sur la condition féminine à une époque où les femmes sont particulièrement représentées dans la nouvelle littérature d’amour et de cour. Expression maximale du renouveau du débat sur la question féminine, l’ouvrage d’Equicola reste cependant une exception au sein des traités et des dialogues italiens qui fleurissent alors, bien que le modèle philosophique de la réflexion sur les rapports amoureux, remis à l’honneur par Marsile Ficin dans le Commentaire sur le Banquet de Platon (1469), soit peu à peu effacé au profit d’une célébration du couple hétérosexuel et du mariage conçu idéalement comme le lieu harmonieux d’un partenariat entre les époux. Cet article se propose d’étudier les principaux témoins de cette évolution non rectiligne dans les premières années du xvie siècle en Italie de façon à mettre en perspective la singularité du De mulieribus de Mario Equicola.

Plan

Texte

Si la question féminine n’est pas un débat nouveau au début du Cinquecento italien – héritière tant de la tradition scolastique philosophico-médicale médiévale, teintée de misogynie1, que des traités humanistes consacrés à la famille et à l’éducation2, souvent conservateurs malgré une approche plus bienveillante, ou encore du genre de l’éloge dont l’ambiguïté a été bien étudiée3 – elle s’invite dans nombre de traités ou dialogues consacrés à l’amour et à la cour. Les traités d’amour – pour la plupart en langue vernaculaire – fleurirent particulièrement à partir des années 15404, inspirés de la philosophie platonicienne, ravivée sur ce thème par le Commentaire sur le Banquet de Platon de Marsile Ficin en 1469 et les Dialoghi d’amore, écrits entre 1501 et 1506, de Léon l’Hébreu ainsi que des traités de cour du début du siècle, au premier rang desquels les Asolani (1505) de Pietro Bembo et le célèbre Cortegiano (1528) de Baldassare Castiglione. Soit les traités du xvie siècle italien restent dans la lignée purement philosophique, soit ils sont imprégnés du pétrarquisme qui donnait une couleur galante aux traités auliques de Bembo et Castiglione. Parmi les premiers, certains poursuivent la réflexion néoplatonicienne à l’origine de l’introduction de ce thème en philosophie, certains – tels ceux, précurseurs, d’Equicola et de Nifo dans les années 1520-1530 – s’éloignent de ce modèle pour une veine plus aristotélisante et réceptive aux réflexions sur l’amour humain que les dialogues de cour ont mis à l’honneur5. Au sein du genre hybride des trattati, qui sont bien souvent, mais pas toujours, des dialogues, la discussion sur l’amour prend un nouvel essor. Dans le monde de l’aristocratie italienne du début du Cinquecento, le débat sur la valeur, le statut et le rôle de la femme s’en trouve renouvelé en lien avec l’intérêt porté au couple et au mariage. Si les réponses apportées sont variables et que les plus audacieuses feront long feu, néanmoins, à l’aube du Cinquecento, les lignes bougent et les trattati sont en partie le reflet des mœurs du temps, entre l’ouverture humaniste et l’emprise prochaine du Concile de Trente.

Au tournant du xve et du xvie siècle italien, la question féminine trouve donc un nouveau lieu d’expression, à l’articulation de la réflexion philosophique et des dialogues auliques, en particulier autour des thèmes du couple et du mariage. Afin d’évaluer, à cette époque charnière, les thèses qui sont exprimées, nous nous proposons d’étudier, du Commentaire sur le Banquet de Platon de Ficin au Courtisan de Castiglione, paru en 1528 mais commencé dès 1513, les principaux jalons qui, au tout début du xvie siècle, témoignent du traitement de la question féminine. Ces ouvrages connurent un écho important avec nombre de rééditions, dès le xvie siècle, et de traductions en d’autres langues, en particulier en français, devenant ainsi des références pour les trattati suivants. Seul le De mulieribus (1501) d’Equicola ne répond pas pleinement à ce critère dans la mesure où il ne connut pas de rééditions. Ce silence, alors que la cour d’Isabelle d’Este était rayonnante, ses figures bien connues des humanistes et que l’ouvrage d’Equicola connut dans ce contexte précis un succès certain6, est en soi un élément intrigant, d’autant plus que son Libro della natura d’amore (1525) fut bien diffusé, reprenant d’ailleurs, ponctuellement, les thèses de ce premier opuscule dans une vaste réflexion sur l’amour. La radicalité des thèses d’Equicola dans son petit traité, au tout début du siècle, peut permettre de mettre en perspective celles qui sont exprimées ensuite dans la littérature aulique et la singularité de son propre propos. Ainsi, à travers l’étude de ces témoins, nous pouvons déterminer trois moments de la défense et de la valorisation des femmes au sein de la réflexion sur l’amour dans les vingt premières années du Cinquecento : un moment philosophique avec les traités de Ficin et de Léon l’Hébreu ; un moment polémique avec le De mulieribus d’Equicola qui, pour la première fois, fait de la question féminine un objet de la philosophie ; un moment dialogique et rhétorique dans la littérature aulique du début du Cinquecento avec les ouvrages de Bembo et Castiglione, dont les positions sur la question restent encore interprétées en des sens différents. Ainsi pourra-t-on mieux cerner, autour de la pièce maîtresse et originale qu’est le De mulieribus, les percées et les limites des traités et dialogues qui ont suivi, étroitement liées à la conception de la relation hétérosexuelle qui supplante peu à peu le modèle platonicien de l’amour pédérastique. Au cours de ce déplacement, la question féminine est peu à peu envisagée dans le cadre moral et social du mariage, offrant par là un bon révélateur de la portée véritable des discours sur la défense des femmes à l’aube du xvie siècle italien.

La place de la femme dans la philosophie sur l’amour à la fin du xve siècle et au début du xvie siècle : du non-lieu philosophique à l’élaboration du modèle hétérosexuel

Le commentaire de Ficin, sous-titré De amore, dans son intention et dans son traitement, est un ouvrage de réflexion philosophique fondé sur la relecture du Banquet de Platon, nourri par la tradition néoplatonicienne en rupture avec la tradition péripatéticienne de l’Université médiévale7. L’ouvrage a d’abord suscité les réactions des philosophes comme Pic de la Mirandole et Léon l’Hébreu avant de séduire un public raffiné8, assez éloigné de l’intention du philosophe florentin qui voulait poser la pièce liminaire et propédeutique de sa théologie platonicienne. Sur certains points, l’articulation entre le Banquet antique et la nouvelle finalité qui lui est assignée par Ficin se réalise sans heurts, grâce aux jalons posés par Plotin et ses successeurs néoplatoniciens du début de l’ère chrétienne : l’idéalisme du monde platonicien allié à la théorie de l’émanation se marie avec le christianisme. En revanche, pour ce qui est d’une approche pratique et morale, la société grecque des ve et ive siècles et la conception de l’amour éducateur pédérastique paraissent difficilement conciliables avec les normes de la morale chrétienne9 ; et ce que la société florentine aristocratique pouvait tolérer sans grande difficulté ne saurait pour autant être ouvertement exprimé et justifié. Le modèle amoureux du Banquet antique pose problème : les rapports entre hommes et femmes y sont quasiment absents, si ce n’est discrètement dans le récit fait par Aristophane du mythe de l’androgyne et, implicitement, dans le discours de Diotime, par l’évocation de la nécessaire perpétuation de l’espèce10. Le modèle amoureux et social qui prime est celui du couple amant-aimé (erastès-erômenos) exposé par Pausanias et repris par Socrate en opposition à la conception d’Aristophane. Ficin reste fidèle au modèle antique mais il éprouve des difficultés à le soutenir jusqu’au bout. En effet, là où Pausanias, dans le Banquet, restait flou sur l’aspect charnel d’une telle relation, Ficin, suivant et accentuant les positions de Diotime-Socrate, se montre plus net dans la condamnation de l’homosexualité et l’affirmation de la nécessité d’associer à l’acte sexuel la finalité procréative. C’est pourquoi, au sixième discours, alors que se dessine l’élection du modèle pédérastique, il éprouve en même temps le besoin de s’en défendre au chapitre 14, intitulé Vnde amor erga masculos, unde erga feminas (« D’où vient l’amour envers les hommes et envers les femmes »), où la référence aux Lois supplante un temps le Banquet pour condamner l’homosexualité consommée11 : les mœurs et la morale du temps exigeaient cette mise au point, révélatrice de l’importance du couple hétérosexuel envisagé – ce n’est pas une surprise – comme le lieu de la perpétuation de l’espèce, qui soutient le modèle familial. Cependant, Ficin ne développe pas pour autant le modèle amoureux hétérosexuel : bien que le désir d’immortalité soit en partie réalisé par la reproduction, la femme n’est que l’objet du désir de l’amour vulgaire. C’est pourquoi, en définitive, homosexuelles ou hétérosexuelles, la sensualité et la sexualité de plaisir sont condamnées. En soi, cette égalité est peut-être en creux révélatrice d’un penchant pour le premier type d’amour, mais on ne saurait l’affirmer, l’argument est trop faible, d’autant plus qu’au début du septième livre, on peut lire encore une défense de Socrate dont les motifs sous-jacents semblent bien être l’accusation de pédérastie12. Les passages sur l’amour charnel et sexuel sont rares chez Ficin qui ne célèbre que l’amour intellectuel, ne permettant pas de s’attarder sur les formes de l’amour humain. Sa réflexion philosophique, sans s’y opposer frontalement, n’est pas et ne veut pas être le reflet ou l’explication de la norme sociale de l’amour hétérosexuel. On pourrait néanmoins penser que celle-ci reste à l’arrière-plan, et que Ficin, ne pouvant ancrer le couple pédérastique de l’amour éducateur dans une réalité sociale et lui conférer une légitimité, s’évade des rêts d’une telle question par la sublimation que permet l’idéal platonicien13. Toujours est-il que, dans de telles conditions, pour de multiples raisons – l’idéalisme platonicien et néo-platonicien ; les contraintes de la morale chrétienne et de la société italienne de son temps ; le refus de la trivialité pour un sujet qui doit rester noble –, le discours philosophique de Ficin sur l’amour ne permet pas d’analyser l’union homme-femme autrement que comme une nécessité naturelle à laquelle il ne s’intéresse pas, non plus qu’à sa réalisation sociale dans le mariage.

Un passage cependant sur la réciprocité amoureuse mérite d’être signalé, en ce qu’il offre une présentation inhabituelle chez Ficin de la relation des amants :

Immo uero habet seipsum uterque et habet alterum. Iste quidem se habet, sed in illo. Ille quoque se possidet, sed in isto. Equidem dum te amo, me amantem, in te de me cogitante me reperio, et me a me ipso negligentia mea perditum in te conseruante recupero. Idem in me tu facis.

Or tout au contraire chacun d’eux se possède lui-même et possède l’autre. Celui-ci se possède, mais en l’autre ; l’autre aussi se possède, mais en celui-ci. Évidemment, puisque je t’aime, toi qui m’aimes, je me retrouve en toi qui penses à moi et je recouvre en toi, qui le conserves, le moi perdu du fait de ma propre négligence. Et toi tu fais la même chose en moi14.

Alors qu’au septième discours (vii, 3), Ficin renforcera la dichotomie entre deux amours de nature différente, l’un divin, l’autre bestial, allant même jusqu’à contester au second le nom même d’amour, pour le caractériser comme une maladie et un « ensorcellement » (fascinatio)15, ces quelques lignes exposent une conception plus joyeuse de la passion amoureuse, empreinte d’une influence poétique et mystique, célébrant dans l’amour réciproque l’égarement et la fusion des amants. Les influences poétiques, du Cantique des Cantiques (1, 1) à la lyrique médiévale occitane et au poème 94 du Canzoniere16, supplantent ici les habituelles références philosophiques et la troisième personne de l’exposé pour une expression plus intime, moins théorique, qui entremêle dans la relation amoureuse la première et la deuxième personne. Une faille est ici introduite par Ficin au cœur même de son système, faille ouverte par la poésie. Ce passage sur la relation-miroir d’une réciprocité à laquelle on devine que les corps peuvent participent, Léon l’Hébreu saura s’en emparer et creuser la brèche ici entrouverte dans l’évocation des rapports hommes/femmes dont il n’hésite pas à traiter.

En effet, au xvie siècle, les réflexions sur l’amour humain prennent une place de plus en plus importante et portent plus précisément sur l’amour de l’homme pour la femme. Les Dialoghi d’amore17 de Léon l’Hébreu, écrits entre 1501 et 1506, largement diffusés sous forme manuscrite et publiés à Rome en 1535, sont un moment clé de cette évolution. L’ensemble du traité prend la forme d’un dialogue entre Philon, le philosophe, et Sophia, une jeune femme dont il est épris. Si le nom du personnage féminin se prête à l’allégorie, cependant il s’agit bien d’une conversation sexuée : Sophia, qui participe activement à l’élaboration de la pensée de Philon18, est aussi l’objet de son amour, et Philon veut la convaincre d’accorder son amour en retour. La théorie de Léon l’Hébreu, encline à considérer le lien homme/femme et à le célébrer, renverse la traditionnelle hiérarchie, en philosophie, de la supériorité de l’amant sur l’aimée :

Gia t’ho detto che quanto ogn’uno ama, e fà, è per sua propria perfettione, gaudio o diletto, e ben’ che la cosa amata in se non sia cosi perfetta, come l’amante, esso amante resta piu perfetto quando unisce seco la cosa amata, o almeno resta con piu gaudio e diletto. Questa noua perfettione, gaudio, o diletto che acquista l’amante per unione de la cosa amata (sia in se stessa piu degna o manco degna) il fa inclinato a esso amato, ma non per cio lui resta difettuoso e di manco dignità, o perfettione, anzi resta di piu con l’unione e perfettione de la cosa amata19.

Je t’ai déjà dit que tout ce que chacun aime et fait, c’est pour sa propre perfection, aise et délectation : et bien que la chose aimée en soi ne soit accomplie en tant de perfection que l’amant, si reste l’amant plus parfait (ou du moins jouissant du plus grand aise et délectation) par l’union de soi et de la chose aimée. Donc cette nouvelle perfection, aise et délectation que l’amant reçoit par l’union de la chose aimée, soit plus ou soit moins digne de soi, incline icelui amant à la chose aimée : non que pour cela, toutefois, il demeure défectueux et de moindre dignité et perfection mais il s’accomplit davantage, avec l’union et perfection de la chose aimée20.

Il ne s’agit plus d’établir une hiérarchie entre l’amant et l’aimée, mais de prendre en considération le rapport au sein de la relation amoureuse. En tant qu’il aime et désire, l’amant se soumet à l’aimée car c’est elle et, surtout, l’union (unione) des deux êtres qui lui procurent sa perfection. L’aimée n’est pas seulement un échelon, le plus bas, sur l’échelle de l’élévation, mais l’autre moitié sans laquelle l’union – véritable vecteur de l’élévation – ne peut être. La brèche ouverte par Ficin au deuxième discours devient ici la thématique principale à partir de laquelle les deux amants deviennent indissociables pour le bien de l’un comme de l’autre. L’élévation vers un amour supérieur n’efface pas le degré inférieur qui y a mené. En témoigne, quelques lignes plus loin, le développement sur la divinité de l’aimée, qui, selon la distinction aristotélicienne, est en acte là où celle de l’amant n’est qu’en puissance21. S’il est vrai que la pensée de Léon l’Hébreu, par l’intermédiaire de Philon, est une métaphysique abstraite qui dépasse l’examen de l’amour humain, celui-ci n’est pas effacé, il a sa place dans un système cohérent et plein qui ne montre pas de problème de « jointure », comme on l’a vu chez Ficin souvent amené à éluder certaines des questions posées par le texte platonicien. L’une des raisons est probablement que le caractère hétérosexuel de l’amour dont parle Léon l’Hébreu lui permet de l’intégrer complètement. Et s’il est vrai que Sophia écoute attentivement l’exposé parfois dogmatique de Philon, occupe la place du disciple, elle n’est pas docile mais demande à être convaincue et pousse le maître à argumenter22.

En retour, l’amour le plus élevé, qui conduit à la félicité définie comme l’union de l’être humain avec Dieu grâce à l’acte d’amour, mène, à la fin du premier dialogue, à envisager spécifiquement l’amour des hommes pour les femmes : si la hiérarchie des sens est conservée, si le goût et le toucher restent destinés à remplir un rôle matériel, à savoir la sustentation et la reproduction, il n’empêche que, selon Léon l’Hébreu, à condition de se garder de tout excès, l’acte charnel et la sensualité ne défont ni la beauté, ni l’amour23. Bien plus, tout comme les esprits désirent être unis en un, les corps aussi y aspirent afin qu’il ne demeure aucune diversité et que l’union soit parfaite en tout :

Ma quel primo amore eletto da ragione si conuerte in gran suauità, non solamente ne l’appetito carnale, ma ne la mente spirituale con insatiabile affettione24.

Mais l’amour duquel nous avons premièrement parlé, qui est élu de la raison, se convertit en grande suavité et douceur non seulement en « la délectation de » l’appétit charnel, mais encore en l’âme, la remplissant d’une douce « et insatiable » affection25.

La conception de l’amour est ici fusionnelle, de l’être humain envers Dieu, mais aussi de l’homme envers la femme. L’amour de l’homme pour la femme est de deux sortes : le premier est engendré par le désir et l’appétition charnels, le second est le désir de l’union spirituelle et charnelle avec la personne aimée qui complète le premier et plus parfait sans l’annuler. Si Léon l’hébreu reste dans le champ philosophique et que la question pratique et sociale du mariage n’est pas vraiment examinée, elle n’est pas absente. La couple homme/femme est la norme de référence. Ainsi, assez souvent les époux sont pris pour exemple afin d’illustrer cet amour, comme c’est par exemple le cas au livre I, 43 :

Manifesta cosa è che l’amor de mariti è delettabile, ma debbe essere congionto con l’honesto, et per questa causa di poi che s’è hauuta la dilettatione, resta il reciproco amore sempre conseruato, e crescie continuamente per la natura dele cose honeste. Congugnesi ancora ne l’amore matrimoniale l’utile con il dilettabile e honesto, per riceuere continuamente li maritali utile l’uno dell’altro, il quale è una gran causa di far seguire l’amore infra di loro26.

Personne, à mon jugement, ne doute que l’amour des mariés ne soit délectable, mais il doit être conjoint avec l’honnêteté : et à cette cause, après la jouissance de la délectation, reste l’amour réciproque conservé et croissant, suivant le naturel des choses honnêtes. Davantage, en l’amour de mariage, l’utile s’assemble avec l’honnête et le délectable, recevant les mariés continuellement l’un de l’autre profit ; qui est une grande et urgente cause de l’entretènement de leur amitié27.

Désormais est établi le couple hétérosexuel dont l’amour est fondé à la fois sur l’agréable, l’utile et l’honnête, suivant les distinctions aristotéliciennes. L’homme et la femme forment à eux deux un petit tout, à l’image des principes, masculin et féminin, qui régissent l’univers28. Ce couple est formé de deux individus également actifs et utiles l’un à l’autre (utile l’uno dell’altro) et la pérennité de leur relation réside dans l’amour réciproque (reciproco amore). Le mariage apparaît alors comme le lieu privilégié d’un tel lien.

Dans les ouvrages de Ficin et de Léon l’hébreu, le modèle philosophique prime et l’idéalisme, de couleur platonicienne plus ou moins prononcée, n’envisage que de façon sporadique la forme sociale de l’amour : le mariage n’est pas une question qui entre dans le champ philosophique. Cependant, dans le traité de Léon l’Hébreu, qui connaît un grand succès, la relation homme/femme entre au cœur des préoccupations et cette relation fonde le mariage quand il est évoqué. Mais les normes juridiques et sociales de cette union ne sont pas discutées. On parle bien ici d’un mariage d’amour dont une esquisse de la relation peut se lire chez Ficin – qui ne parle cependant pas de mariage29. La femme, nouvelle aimée, deviendra de plus en plus importante dans les trattati italiens au fur et à mesure que le modèle philosophique perdra sa primauté pour se nourrir d’autres sources et d’autres influences.

La question féminine chez Mario Equicola : La défense des femmes et la critique du mariage dans le De mulieribus

À la suite de ces premières réflexions philosophiques, le Libro de natura de amore de Mario Equicola30, dont le premier manuscrit en 1507 était en latin, circulait et était connu avant d’être traduit en italien et publié en 1525 à Venise, année de la mort de l’auteur31. Vaste traité en six livres, le Libro de natura de amore s’éloigne souvent du platonisme en avançant des positions nouvelles et en multipliant les références : philosophes et poètes y sont mêlés avec une égale dignité et une égale légitimité, et, parmi ces derniers, se trouvent autant les élégiaques romains que les troubadours occitans ou les poètes italiens. L’ensemble de ces données permettent un traitement différent du thème de l’amour, qui accorde une large part à la relation homme/femme, surtout à partir du quatrième livre, quand le propos s’intéresse davantage à l’amour humain et sensuel. En exaltant amour, franchise, loyauté, les influences courtoises médiévales sont certes présentes, mais elles ne véhiculent pas pour autant le modèle de la relation adultère ; les rapports hommes/femmes sont conformes à la morale et à la société du début du xvie siècle. Le rôle et la place de la femme dans la relation amoureuse sont, comme chez Léon l’Hébreu, importants et dépassent le statut habituel de la muse et de l’aimée. Dans ce plaidoyer en faveur de l’amour humain et sensuel, au sixième livre en particulier, l’auteur s’oppose à des citations misogynes des Pères de l’Église32. Mais, dans ce traité, le mariage n’est pas un thème développé pour lui-même ; il l’est dans un traité juste antérieur du même auteur, le De mulieribus, exclusivement consacré à la question féminine33. Le propos et le ton y sont particulièrement incisifs et audacieux.

En effet, rédigé en 1501, le De mulieribus34 est, parmi les traités humanistes consacrés aux femmes35, remarquable par son originalité et la force de ses thèses. Cornelius Agrippa s’en inspire partiellement dans le De nobilitate et praecellentia foemini sexus, actuellement mieux connu que le petit ouvrage de son prédécesseur et souvent considéré comme le premier traité humaniste sur la question36. Pourtant c’est bien à la cour de Mantoue, dans l’entourage d’Isabelle d’Este, que la question connaît son premier traitement philosophique :

Pythagoras meus – diuus ille Pomponius Laetus – hera Margarita, Platonem colere, Ciceronem imitari, Io. Pontanum (cuius ingenio antiquitati nostra saecula non inuident) pro uiribus ut aemularer iubebat. Quod cum faciam, necesse est eam potissimum me philosophiam amplecti quae in utramque partem probabiliter disserit : facioque impresentiarum libentius, dum id, quodcumque erit a nobis nec opinatum nec expectatum, de mulieribus tuo iussu scribimus37.

Noble Margherita, mon cher Pythagore, le divin Pomponio Leto, m’exhortait à honorer Platon, à imiter Cicéron et à rivaliser dans la mesure de mes forces avec Giovanni Pontano (grâce au talent duquel notre époque n’a rien à envier aux temps anciens). Et, en le faisant, il est nécessaire que j’embrasse le plus possible la philosophie qui procède selon le probable par la confrontation des thèses : et je le fais maintenant bien volontiers, tout en écrivant, sur ton ordre, au sujet des femmes quelque ouvrage inédit et inattendu de moi38.

L’auteur donne clairement à sa réflexion une couleur philosophique, sous le signe des Anciens, Pythagore, Platon et Cicéron. Mais les influences sont ici mêlées et l’orientation néoplatonicienne qui lie Pythagore à Platon est balancée par la nette inflexion aristotélicienne lisible dans l’affirmation de la méthode probabiliste et dans l’éloge de Pontano, un contemporain cette fois, dont l’œuvre philosophique l’emporte ici sur l’œuvre poétique39. Le fondateur de l’Académie de Naples se caractérisait par une certaine réserve envers les néoplatoniciens de l’école de Florence tout en se défendant de l’aristotélisme universitaire héritier des philosophes arabes. S’il n’y a pas eu vraiment de politique homogène et qu’ on ne peut parler strictement « d’école napolitaine »40, néanmoins l’influence de Pontano y fut très forte et s’y retrouvent divers philosophes aristotéliciens, sans opposition radicale au platonisme, ce que l’on peut observer aussi dans l’argumentation d’Equicola dans la suite du De mulieribus. La mention de Pomponio Leto s’explique plutôt par les liens et la fidélité qu’Equicola manifeste ainsi pour son ancien maître, fondateur de l’Académie de Rome dont il fut membre de 1482 à 149441. Tout en se revendiquant de ces tutelles, Equicola souligne néanmoins la nouveauté du sujet, « inédit et inattendu » (nec opinatum nec expectatum), et c’est bien par la volonté d’une femme qu’il a entrepris ce projet en présentant Margherita Cantelmo42, dont il fut le secrétaire à Ferrare43, dédicataire du De mulieribus, comme étant également la commanditaire. Épouse de Sigismondo Cantelmo, qui était alors exilé, Margherita Cantelmo était une proche amie d’Isabelle d’Este si bien que l’on peut parler au début du xvie siècle de la constitution, ponctuelle et, certes, en cela limitée, d’une forme de pouvoir féminin étayé par une cour d’hommes de lettres ; et ces patronnes ont voulu œuvrer à la défense de leur propre puissance44, ne se contentant pas d’une influence de l’ombre, que l’on parle, concernant Isabelle d’Este, de partage du pouvoir avec son mari ou d’une autonomie plus radicale45. Ce désir d’émancipation, soutenu par la commande de textes de soutien en faveur de la défense des femmes, est lisible dans les dernières lignes du De mulieribus :

Iam tibi, Margarita Cantelma, maris et feminae eandem esse animae formam ostendimus, partes quoque mulieris organicas (si quod a natura datum est, ars uiuendi tueatur, et quod deest acquirat) ad omnem uirtutem percipiendam aptissimas. Auctoritate ratione et exemplo (ut licuit) monstrauimus. In angustias, fateor, patente campo, in quo exultare potuisset oratio, me sponte compuli, ne contra hos, qui sunt sapientiae sanctitatis et doctrinae titulo insignes, mutire uiderer, et in obstrectatores muliebris sexus religiosus pater – uir ingenio et litteratura eminentissimus – tuus Augustinus Stroza optime diligentissimeque libero ore patrocinium susceperit46.

À présent, nous t’avons montré, Margherita Cantelmo, qu’homme et femme possèdent la même forme d’âme et aussi que les organes féminins – s’il y a quelque don de la nature, que la façon de vivre le préserve et permette d’acquérir ce qui manque ! – la rendent tout à fait apte à se saisir de toute vertu. Nous l’avons montré, comme nous l’avons pu, à l’aide de l’autorité, de la raison et d’exemples. Dans ce vaste champ dans lequel mon propos aurait pu se donner libre cours, je me suis volontairement limité à des voies étroites, je le reconnais, afin de ne pas sembler muet face à ceux qui se targuent de leur sagesse, de leur sainteté et de leur savoir ; et afin de laisser ton père spirituel, Agostino Strozzi, homme brillant tant par ses dons naturels que par sa culture, entreprendre, avec excellence et soin, en toute liberté, la défense du sexe féminin contre ses détracteurs47.

Equicola annonce ici la parution d’un autre traité à l’appui et en complément du sien, celui d’Agostino Strozzi48. Dans ce passage conclusif, Equicola rappelle aussi le but de sa démonstration qui n’était pas tant de célébrer et d’affirmer la supériorité des femmes – comme on pouvait le trouver assez communément au XVe siècle dans les ouvrages consacrés aux femmes, des collections de portraits sur le modèle du De claris mulieribus de Boccace, ou même, un peu plus tard, dans le De nobilitate et praecellentia foemini sexu de Cornelius Agrippa –, mais bien d’affirmer l’égalité des deux sexes, et cela à partir d’un raisonnement théorique et philosophique plutôt qu’à partir d’exempla, propos plus novateur sur l’argumentation duquel nous allons revenir : certes, Equicola recourt aussi aux exempla dans le dernier tiers de son opuscule, en particulier avec la louange d’Isabelle d’Este, mais ceux-ci ne constituent pas le fondement de son argumentation, ni le propos principal qui est théorique et préalablement exposé, ce en quoi réside sa singularité.

C’est surtout dans le premier temps, quand il examine les arguments des naturalistes et des religieux, dont Equicola montre les limites, que l’auteur se démarque des défenses et éloges habituels en axant sa démonstration sur l’égalité des sexes plutôt que sur la célébration de qualités proprement féminines. Equicola commence par s’opposer à toute la tradition misogyne des écrits sur l’infériorité féminine, infériorité supposée tant physique et physiologique qu’intellectuelle et morale qui, à partir des écrits philosophiques et médicaux de l’Antiquité – de la tradition aristotélicienne, hippocratique et galénique –, a alimenté bien des traités de l’Université médiévale et renaissante, notamment à partir du Canon d’Avicenne, ce que de nombreuses études ont mis en évidence49. Ainsi écrit-il à propos de la différence de complexion en les hommes et les femmes :

Frigidas et humidas coniectatur quod pilis ad exeundum denegatur accessus, et humor arteriam, per quam sonus uocis ascendit, crassiorem efficiens uocis angustet meatum. Ac si alae et femen pilis uacent, et uacca non grauius tauro sonet, nec plane conspiciamus plurium mulierum actiones argumenta maioris caliditatis et siccitatis quam uirorum. Nihil est quod id pro certo nobis naturales affirment : scimus enim huiusmodi de rebus physicorum concertationes uariasque esse opiniones. Scimus complures addubitare quaenam animalia membraue calida sint, quaeue frigida50.

On conjecture qu’elles [les femmes] sont froides et humides parce que les poils ne pourraient sortir et que l’humidité, en rendant plus épaisse la trachée par laquelle passe le son de la voix, resserrerait le canal vocal. Mais si les bras et les cuisses étaient dépourvus de pilosité, la vache aussi n’émettrait pas un son plus grave que le taureau et nous n’observerions pas du tout que les actions d’un très grand nombre de femmes démontrent une chaleur et une sécheresse plus grandes que celles des hommes. Il n’est rien que les naturalistes puissent affirmer avec certitude au sujet de cette thèse : en effet, nous savons qu’au sujet des phénomènes de ce genre, il y a débat et il existe différentes opinions chez les physiciens. Nous savons qu’ils sont nombreux à exprimer des doutes sur les animaux ou les membres qui seraient froids ou chauds51.

Equicola, dans son argumentation contre les préjugés hérités des savoirs naturalistes et médicaux, n’entre pas dans les détails des différentes thèses et ne se fourvoie pas dans des exposés physiologiques, qu’il ne prétend pas maîtriser, entre les tenants d’Aristote – pour qui la femme n’est que le réceptacle passif de l’embryon – et les héritiers d’Hippocrate – pour qui le corps de la femme est doublement actif, par sa semence et par la nourriture formatrice de l’embryon. Il s’en tient à réfuter l’image négative de la femme, toujours définie en référence au corps masculin, résumée à sa faiblesse : soit, en suivant Galien, la femme est plus froide, mais elle éprouve un grand plaisir sexuel, double, en émettant sa propre semence et en recevant la semence masculine, soit, en suivant Aristote, son excès d’humidité est cause à la fois de sa démesure et de sa passivité naturelles52. Chez les uns comme chez les autres, les causes sont liées à la complexion féminine, froide et humide. Equicola procède donc en philosophe et non pas en médecin en laissant de côté ces subtilités pour mieux identifier les causes – la complexion froide et humide – qu’il s’applique à réfuter uniquement d’un point de vue logique, d’une part en opposant l’observation de contre-exemples (contre-exemples de la vache et du taureau et, surtout, de la femme et de l’homme) et, d’autre part, en soulignant le défaut de consensus chez ces spécialistes, les physici, c’est-à-dire les philosophes naturalistes. Il aboutit ainsi à l’affirmation de la stricte égalité des hommes et des femmes une fois mise de côté la nécessaire différence des organes sexuels :

Nos per euidentiora uagemur, luce clarius cum pateat iisdem concretam feminam quibus uir elementis : eodem enim semine corpus nascitur, alitur, crescit, senescit, moritur ; eundem ipsa haurit spiritum ; ad eundem tendit beatitudinis finem ; opinionem mentem et orationem sortita ratiocinatur ; una siquidem rationalibus mortalibus est natura, omnibus per innata libertas. Nam Deus uoluit irrationalibus, non homini, dominari. Quod sic nunc secus est, uiolentia contra diuinum ius naturaeque leges regna, imperia et tyrannidem exerceri, sanae mentis negabit nemo ; et sic illa feminis naturalis libertas aut legibus interdicta aut consuetudine intercisa, usuque absoluta restinguitur, aboletur, extirpatur, cum uiuendi diuersa sit ratio53.

Mais nous, nous irons aux faits plus évidents, puisqu’il apparaît plus clairement qu’à la lumière que la femme a été faite des mêmes éléments que l’homme : de la même semence son corps naît, se développe, croît, vieillit, meurt ; elle recueille le même esprit ; elle tend à la même finalité, la béatitude ; elle raisonne, ayant reçu en partage l’opinion, l’esprit et la parole ; puisque la nature est la même pour tous les mortels doués de raison, la liberté naturelle est également impartie à tous. En effet, Dieu a voulu dominer les êtres privés de raison, mais pas l’être humain. Donc s’il en est autrement actuellement, c’est qu’une violence contre le droit divin et les lois de la nature exerce son règne, son empire, sa tyrannie ; personne de sain d’esprit ne le niera. Et, ainsi, la liberté naturelle de la femme, interdite par les lois, ou mutilée par la coutume et dissoute par l’usage, est éteinte, anéantie, détruite, puisque la façon de vivre est différente54.

Le propos est bien différent de celui des éloges traditionnels des femmes qui célèbrent des qualités qui seraient proprement féminines, beauté du corps et vertus de l’âme telles que la pudeur, la chasteté, la retenue. Equicola, à partir de la réfutation des thèses physiologiques qui attribuent à la femme une complexion différente de celle de l’homme, soutient lui une position qui repose sur le partage des mêmes caractéristiques pour les individus, mâle ou femelle, d’une même espèce. Ainsi, l’homme et la femme sont-ils identiques, ce que souligne l’emploi insistant, au début de l’extrait, du pronom adjectif idem, Equicola ayant très probablement à l’esprit et pour modèle le passage de la lettre 47 où Sénèque insistait sur l’égalité des hommes libres et des esclaves (Vis tu cogitare istum quem seruum tuum uocas ex isdem seminibus ortum eodem frui coelo, aeque spirare, aeque uiuere, aeque mori55 ! : « Songe que cet homme que tu appelles ton esclave est né de la même semence que toi, qu’il jouit du même ciel, respire de la même façon, vit de la même façon et meurt de la même façon »). Sénèque soulignait la communauté de nature entre les humains que devrait refléter le même droit à la liberté. Ainsi l’auteur, en s’appuyant sur la sagesse antique, vise-t-il précisément ses principaux détracteurs, à savoir religieux et naturalistes de l’Université dont les opinions reposaient sur une anthropologie différenciée. L’analogie implicite entre la position de la femme et celle de l’esclave aboutit dans le deuxième temps de l’extrait à une critique rationnelle et incisive des lois que soutiennent les fondements d’une société patriarcale qui offense aussi bien l’ordre naturel que la volonté divine. Les lois et la coutume qui seules ont créé de telles différences sont des productions humaines, ni naturelles, ni divines, et même l’expression d’une volonté proprement masculine d’imposer son pouvoir, évoqué ici en des termes politiques dont la gradation accentue la puissance et l’illégitimité : le règne (regnum), l’empire (imperium), la tyrannie (tyrannis). Comme l’esclave des temps anciens, la femme a été réduite à la servitude :

Domi femina detinetur, ubi ocio marcescit nec quicquam aliud mente concipere permittitur quam acus et filum : hinc minus habere uigoris, naturales in causa esse non negant. Augeri enim uiris robur naturale in laboribus, feminis autem in desidia exolui, Galeni est sententia. Mox uix annos pubertatis excedens in mariti datur arbitrium, et si paulo altius se erigit et actollit, uelut summae rerum et altioris prouinciae non capax, oeconomicae dedicatur quasi ergastulo. Illa aetate uiri in quo sapimus ? Siquid delinquitur pueritiam causamur. Femina siquid a senili grauitate matronalique decentia remittit, uenia excusationeque indigna iudicatur, et leuitatis aut stultitiae perpetuo inustam retinet notam : ut bello uicti uictoribus, sic uirili muliebris cedit animus consuetudine, quam non naturali necessitate constare, sed uel exemplo et disciplina priuata uel fortuna et occasione quadam, aut etiam ex his omnibus congregari non ignoramus56.

La femme se trouve détenue à la maison, où elle se flétrit dans l’oisiveté et où rien d’autre ne lui est accordé pour exercer son esprit que l’aiguille et le fil : de là vient qu’elle manque de force ; les naturalistes ne sauraient le contester. En effet, quand les hommes voient leur robustesse naturelle se développer dans les travaux, les femmes se relâchent dans l’inaction – c’est ce que pense Galien. À peine passé l’âge de la puberté, elle est confiée à la tutelle d’un mari, et si elle se redresse et s’élève un peu plus haut, comme si elle était incapable d’explorer des domaines plus élevés, on la relègue aux affaires domestiques comme une esclave. À cet âge-là, nous les hommes, à quoi sommes-nous bons ? Si on commet quelque faute, on en accuse la jeunesse. Mais la femme, si elle s’écarte du sérieux d’un vieillard ou de la décence d’une matrone, on la juge impardonnable et inexcusable, et elle porte pour toujours l’injuste tache de la légèreté ou de la stupidité : tout comme, à la guerre, les vaincus cèdent aux vainqueurs, l’esprit féminin cède à l’esprit masculin en vertu de la coutume que n’a établie – nous le savons bien – aucune nécessité naturelle, mais plutôt qu’ont formée l’exemple et la règle privés, la fortune et quelque hasard, ou encore la conjonction de tout cela57.

La femme est « détenue » (detinetur) et reléguée aux tâches domestiques « comme une esclave » (quasi ergastulo) – la comparaison est désormais explicite. Mais les femmes souffrent moins de l’abondance de travaux que de la pauvreté de leur champ d’action, limité à la pratique de la couture au sein d’une éducation étriquée. Equicola renverse ici le lien habituel de cause à effet : c’est parce qu’elles sont maintenues dans l’inaction que leur corps est faible par manque d’exercices. De même, c’est parce qu’elles sont contraintes d’accomplir des tâches de second ordre qu’elles ne peuvent s’élever intellectuellement. Ainsi passent-elles des mains de leur famille d’origine à celles d’un mari qui poursuivra le même traitement. Les propos et l’argumentation sont d’une grande clarté et le tableau peint par Equicola de la condition féminine est d’autant plus implacable qu’elle est mise en contraste avec l’indulgence bienveillante dont bénéficient les jeunes hommes. Les filles, elles, doivent, déjà toute jeunes, se conformer au modèle de la digne mère de famille ou ressembler à des vieillards. La vivacité du ton est propre à l’auteur, mais surtout le retournement des mécanismes argumentatifs et l’analyse des causes témoignent d’une réflexion inhabituellement approfondie : si les thèses des naturalistes étaient déjà contestées au xve siècle, le raisonnement n’allait guère au-delà de l’indignation devant des propos excessifs à une époque où les femmes, dans les milieux cultivés et aristocratiques italiens, occupaient des positions respectées et dignes d’intérêt. Equicola est plus mordant parce qu’il remet en cause des usages et des lois qui sont clairement présentés comme les causes uniques des injustices que subissent les femmes. Le mariage apparaît alors comme une institution coercitive, lieu de la domination des hommes sur les femmes, et d’une violence qui, sans être ouvertement décrite, est imagée par la métaphore de la guerre, avec ses vainqueurs et ses vaincus.

Si les défenses des femmes étaient présentes dès le xve siècle, de telles analyses, aussi nettement exprimées, sont inédites, comme l’a annoncé lui-même l’auteur dans son introduction. Le De mulieribus dépasse largement la finalité ordinaire de ce type d’ouvrages où la célébration de la supériorité féminine, en particulier dans les domaines de la beauté et de la vertu, ne vise pas à sortir les femmes de la place qui leur est dévolue, à savoir la soumission aux hommes et aux lois, d’usage ou strictement juridiques, qu’ils ont établies. En revanche, on retrouve en partie les analyses d’Equicola quelques années plus tard dans le De nobilitate et praecellentia foemini sexu de Cornelius Agrippa58. Mais la parenthèse est vite refermée, et le monde policé et codé de la cour saura assagir de telles revendications et leur donner un tour plus nuancé.

Limites de la défense des femmes et valorisation du mariage dans la littérature aulique du début du Cinquecento

L’un des points forts de la critique sociale d’Equicola repose sur la dénonciation de l’éducation des femmes, réduite aux travaux domestiques fondés pour la plus grande part sur les ouvrages de couture (acus et filum, « l’aiguille et le fil »). La description assez rapide qu’il en fait – il n’y a pas matière à un long exposé –, est conforme à l’idée qu’en donnent les études consacrées à ce sujet59 : la maternité – présentée comme un privilège, mais aussi une charge – reste l’élément important de l’identité féminine qui est déclinée selon les trois statuts que sont ceux de la fille, de la mère et de la veuve. Dans ce contexte, le couvent peut paradoxalement représenter une issue, malgré la réclusion, pour trouver tranquillité et culture60. Néanmoins, les aristocrates bénéficient assez souvent d’une éducation intellectuelle, ou du moins littéraire, valorisée dans les salons où l’on peut observer l’émergence du modèle de la savante, en particulier au xve siècle italien, mais leur liberté reste limitée61. Il existe dans les milieux aristocratiques une véritable tension dont les traités auliques du début du xvie siècle offrent une illustration.

En 1505, à Venise, paraissent les Asolani62 de Pietro Bembo qui inaugurent la vogue des dialogues auliques63 du xvie siècle italien faisant des femmes des interlocutrices privilégiées. La présence importante de la parole féminine induit un certain nombre de nouveautés que l’on a souvent caractérisées par l’introduction du pétrarquisme dans la réflexion sur l’amour, sujet sur lequel ces personnages féminins interviennent principalement, à l’image de la Sophia de Léon l’Hébreu dont elles s’éloignent néanmoins de la dimension allégorique pour incarner des personnages, encore fictifs chez Bembo, souvent réels et historiques par la suite, dans un cadre plus contextualisé64. Par elles, on s’éloigne du pur idéalisme platonicien que commentait Ficin pour pénétrer le monde de la haute société italienne. Le ton de la conversation qui est le plus souvent choisi trouve alors son expression la plus naturelle dans la langue vulgaire. C’est dans cette nouvelle orientation que l’influence de Pétrarque, en ce qu’elle peut s’accorder avec les thèses de Ficin, devient alors prégnante, lui qui, en chantant Laure, avait déjà réalisé la synthèse de l’idéalisme philosophico-religieux et de la littérature courtoise. L’influence du modèle rhétorique et littéraire est sensible, qu’il s’agisse, dans la fiction même du dialogue, de la poésie élégiaque romaine ou de la poésie des poètes italiens pétrarquistes65.

Dans les Asolani, c’est d’abord par le biais de la beauté et de l’amour qu’est abordée la question féminine. L’inflexion, réelle, que donne Bembo au traité philosophique sur l’amour qui, après les commentaires de Ficin et de Pic, avait déjà emprunté la forme du dialogue avec Léon l’Hébreu, est, au contact de la littérature aulique, le reflet des mœurs de la société aristocratique66 : conversation aimable entre hommes et femmes de la haute société, de tonalité galante et mondaine, le dialogue présente avec une légèreté tolérante des thèses diverses. Si les interlocutrices féminines sont bien actives dans cette conversation, et dans celle des dialogues italiens en général, néanmoins il est rare qu’elles prennent en charge les parties théoriques de cette conversation67. L’action se déroule à la cour de Caterina Cornaro, reine de Chypre, et les trois protagonistes, Perottino, Gismondo et Lavinello, sur trois journées et en trois livres, exposent à tour de rôle leur conception de l’amour : le premier livre s’ouvre sur quelques échanges avec la reine, à la suite de quoi Gismondo, après le repas, propose d’aller dans le jardin où Perottino, l’amant désespéré, dénonce, dans un long discours plaintif, les méfaits et les malheurs de l’amour ; la deuxième journée, c’est au tour de Gismondo d’exposer son point de vue et de se faire l’avocat de l’amour humain de l’homme pour la femme. Le propos est souvent entrecoupé de chansons, et les exemples littéraires, comme celui de l’amour malheureux de Didon pour Énée, illustrent le propos. Le troisième discours, le troisième jour, opère la synthèse des deux premiers orateurs et les dépasse en célébrant l’amour divin. On ne peut exclure que l’ironie malicieuse de Bembo invite à considérer avec recul cette version platonisante de bon ton placée dans la bouche d’un vieil ermite68. Quoi qu’il en soit, Bembo contextualise l’amour philosophique dans le monde humain et, plus précisément, dans la société de cour de son temps en occultant la relation homosexuelle et le modèle platonicien. L’hétérosexualisation et l’amour ainsi mis en cour s’opposent implicitement moins à l’amour philosophique – quoiqu’il le relègue nettement au second plan de ses préoccupations – qu’à toute conception homosexuelle. Si la question du mariage ne trouve pas encore de place au cœur de la réflexion sur l’amour, le couple homme-femme est devenu, depuis les Dialoghi Léon l’Hébreu, la norme autour de laquelle est élaborée la réflexion sur l’amour, moins philosophique et davantage en prise avec les réalités contemporaines, sans que soient pourtant vraiment abordées des questions sociales, comme celle du mariage. Elles seront plus largement développées quelques années plus tard par Castiglione dans Le Courtisan, paru en 152869, mais composé en 1513 et ensuite corrigé et complété70.

Comme l’avait fait Bembo, Castiglione poursuit la réflexion en offrant un espace dialogique et non-dogmatique plus ouvert encore à la diffusion des idées et des discours. L’ouvrage était composé à l’origine de trois livres, le dernier fut ensuite divisé en deux, et la part accordée à la question féminine en fut accrue. Ce sont principalement dans ces deux derniers livres – le troisième, consacré aux femmes, et le quatrième, consacré à l’amour – que le débat est exposé, offrant une sorte d’état des lieux de la question, en de longues prises de parole71. En effet, prenant place dans l’univers de la cour d’Urbino, le courtisan reflète, comme chez Bembo, la société aristocratique italienne de la fin du Quattrocento et du début du Cinquecento, une société cultivée et mixte où les femmes côtoient les hommes : la maîtresse des lieux d’abord, à la fois mère de famille, symbole de pouvoir et compagne raffinée, mais aussi les autres dames de la cour, femmes mariées ou jeunes femmes célibataires. Le premier point marquant est, au livre iii, l’importance accordée à la nouvelle figure féminine de la dame de cour (donna di palazzo) :

Perché come corte alcuna, per grande che ella sia, non po aver ornamento o splendore in sé, né allegria senza donne, né cortegiano alcun essere aggraziato, piacevole o ardito, né far mai opera leggiadria di cavalleria, se non mosso dalla pratica e dall’amore e piacer di donne, cosi encora il ragionar del cortegiano è sempre imperfettissimo, se le donne, interponendovisi, non danno lor parte di quella grazia, con la quale fanno perfetta ed adornano la cortegiana72.

Il n’y a pas de cour, aussi grande soit-elle, qui puisse posséder ornement, splendeur ou allégresse sans les femmes, ni de courtisan qui soit gracieux, plaisant ou hardi, ou qui puisse jamais faire un acte de chevalerie, s’il n’est mu par la fréquentation et par l’amour et par le plaisir des dames. De la même façon le discours sur le courtisan est toujours très imparfait si les femmes, en y intervenant, ne donnent pas leur part de cette grâce par laquelle elles rendent parfaite et ornent la condition du courtisan73.

La dame de cour est ici caractérisée comme « ornement » ou encore « splendeur ». Le registre, esthétique, peut être vu comme réducteur, et il l’est assurément, mais il ne faut pas sous-estimer dans le contexte de la société cultivée de la Renaissance italienne la beauté, l’éclat et l’ornement, qui restent valorisants quand il s’agit de sortir les femmes des lieux clos de leur domaine domestique. S’il ne s’agit ici que d’offrir un extérieur aux femmes, une possibilité d’exister hors de la solitude ou de la sphère familiale, il s’agit tout de même d’un élargissement de la place qui leur est assignée, déjà mis en scène dans le dialogue de Bembo et réel dans la noblesse. Castiglione donne un statut et un nom à cette dame de cour, symétrique du courtisan dont elle devient la compagne. Cependant, on ne peut ignorer que cette compagne a surtout un rôle de faire-valoir : la notion de perfection ici évoquée ne semble pas avoir le sens plein de complétude, comme on le trouvait chez Léon l’Hébreu dans la description qu’il faisait de l’apport de la femme dans le couple amant/aimée. La perfection est ici comme une grâce ajoutée à la condition de courtisan, et non pas à l’homme amoureux ou à l’amour. La femme acquiert néanmoins un statut et un nom, qui induisent une légitimité certaine dans l’univers de la cour, en particulier dans les choses de l’amour : sans les femmes, pas de propos amoureux74. Le Courtisan rejoint sur ce point les Asolani : ils offrent tous deux la même conception de la présence des femmes et de leur rôle que Castiglione définit plus explicitement que son prédécesseur.

En effet, Castiglione mêle à la forme du dialogue le schéma rhétorique scolaire offert par le débat des arguments pro et contra75. Ainsi est introduite et débattue la question du mariage dans la réflexion sur l’amour et sur les femmes. Avant d’aborder ce thème, dès le deuxième livre, les thèses physiologiques sur l’infériorité féminine sont exposées et elles seront remises en question de façon très nette au livre iii76. Sur ce point, en effet, les humanistes du xvie siècle suivent ceux du siècle précédent qui, pour la plupart, s’étaient déjà désolidarisés de telles positions, d’autant plus qu’elles sont associées aux naturalistes et aux religieux issus d’une tradition scolastique qu’ils critiquent avec une virulence et un plaisir toujours renouvelés. Castiglione, en exposant la thèse de l’imperfection du corps féminin (ii, 91 ; iii, 11 ; iii, 15 par la voix de Gasparo) et en exposant les thèses adverses par la bouche de plusieurs personnages masculins (Bernardo, Ottaviano Fregoso, Gasparo Pallavicino et Julien de Médicis), rend donc compte d’un débat déjà ancien. Sur la question, plus délicate, de la relation et de la soumission de l’épouse à son mari, la position exprimée dans le traité de Castiglione reste plurivoque. Au deuxième livre, la voix de Bernardo s’était élevée pour valoriser les femmes vertueuses et justifier leur indocilité face à un mari brutal (ii, 96), mais au livre iii, Julien de Médicis revient sur ces propos : s’il rejette les accusations traditionnelles déjà évoquées sur l’infériorité naturelle de la femme – qui, à la rigueur, concerne le corps mais ne saurait concerner l’esprit (iii, 12 ; iii, 16) –, il est bien plus circonspect sur la question de la liberté des femmes hors et dans le mariage. Là où Bernardo défendait la femme en amant, Julien greffe sur sa défense des femmes le portait de la parfaite donna di palazzo, cette femme de la haute société, mère de famille ou destinée à le devenir, éduquée et formée à la vie de cour, tenue à une attitude morale irréprochable en tant que fille, en tant qu’épouse, en tant que mère. La position du prince est alors très conservatrice. En effet, les longues listes d’exempla du livre iii, qui permettent d’illustrer la réplique aux arguments misogynes et d’en renforcer la valeur persuasive77, donnent en même temps pour modèles des femmes vertueuses, parangons de courage, de retenue et de pudeur, de Camma (iii, 26) à Isabelle d’Este (iii, 36). Elles sont autant de figures incitatives, de modèles à suivre pour la dame du xvie siècle. À ce titre, en iii 43, l’anecdote de la jeune fille, qui, mariée de force par son père, refusa les avances et les présents de son amant éperdu et préféra mourir que de céder à son inclination sentimentale fait écho à la position de Julien de Médicis à l’égard de la femme mariée :

Anzi a se stesse fanno ingiuria amando altri che il marito –, rispose il Magnifico –. Pur, perché molte volte il non amare non è in arbitrio nostro, se alla donna di palazzo occorrerà questo infortunio che l’odio del marito o l’amor d’altri la induca ad amare, voglio che ella niuna altra cosa allo amante conceda eccetto che l’animo ;né mai gi faccia dimostrazione alcuna certa d’amore, né con parole, né con gesti, né per altro modo, tal che esso possa esserne sicuro78.

Elles se font plutôt offense à elles-mêmes en en aimant d’autres que leurs maris, répondit le Magnifique. Pourtant, parce que très souvent il ne dépend pas de notre volonté de ne pas aimer, s’il échoit à la dame de palais l’infortune que la haine de son mari ou l’amour d’un autre la presse à aimer, je ne veux pas qu’elle accorde à son amant aucune autre chose que son cœur ni qu’elle lui fasse aucune démonstration certaine d’amour, par des paroles, par des gestes ou par un autre moyen lui donnant l’assurance d’être aimé79.

Julien opère une séparation nette entre les sentiments et leurs manifestations. S’il ne prétend pas juger des sentiments, toute forme de marivaudage est interdite à la femme mariée, fût-elle malheureuse dans son mariage. L’expression de son amour, par quelque moyen que ce soit, est fermement interdite : le cœur devient alors une forteresse intérieure, une nouvelle prison d’où rien ne doit filtrer. La femme reste, dans la relation homme/femme, l’aimée, elle ne peut être pleinement l’amant80. Julien répond ici à Federico, qui le trouve bien austère et qui défend, lui, les femmes mariées de force, parfois à des vieillards, parfois à des hommes qui les maltraitent. Les propos de Federico, du fait même qu’ils aient ici une place non négligeable, attestent d’un souci certain du sort réservé aux femmes au sein du mariage et probablement d’une certaine liberté des mœurs dans les milieux aristocratiques. Néanmoins, Julien de Médicis reste intraitable. S’il est vrai que la grande liberté de la forme du dialogue de Castiglione permet à plusieurs visions de coexister et de s’exprimer dans une atmosphère qui reste détendue et aimable81, cependant, en suivant sur ce point Constance Jordan82, pour la même raison, la question reste non résolue et les ambiguïtés des défenses des femmes se retrouvent ici : en effet, malgré l’ouverture dialogique aux différents discours sur la question, émerge une norme sociale révélatrice de la morale du temps. Il nous paraît assez évident que Julien de Médicis est supposé incarner la position juste, ne serait-ce qu’en raison de son statut, ou du moins la position dominante à défaut d’être juste. Sa parole est rigoureuse lorsque sont abordées les limites fixées à la liberté des femmes, dans le cadre du mariage mais aussi avant le mariage. S’agissant de la femme célibataire, qui est également représentée dans Le Courtisan, elle ne doit, selon Julien de Médicis, jouer le jeu de l’amour qu’avec celui qui sera destiné à devenir son mari (lvii) :

Se la mia donna di palazzo –, rispose il signor Magnifico –, non sarà marita, avendo d’amare voglio che ella ami uno col quale possa maritarsi ; né reputaro già errore che ella gli faccia qualche segno d’amore83.

Si ma dame de palais, répondit le seigneur Magnifique, n’est pas mariée, si elle doit aimer, je veux qu’elle aime quelqu’un avec qui elle puisse se marier ; et je ne considérerai pas comme une faute qu’elle lui montre quelque signe d’amour84.

Comme dans le cas de la femme mariée, le comportement de la femme célibataire en matière amoureuse est strictement encadré. Si la formulation (né reputaro già errore, « je ne considérerai pas comme une faute ») semble indiquer une plus grande souplesse, celle-ci est conditionnée par la phrase précédente dont l’autorité du ton (voglio, « je veux ») laisse en réalité peu de marge de liberté : certes la jeune femme pourra encourager un prétendant, mais celui-ci sera celui qui sera en mesure de devenir son mari. La finalité du mariage reste la ligne de mire dont on ne saurait dévier. La question demeure de savoir qui « peut » devenir ce mari et qui le choisira. Au xvie siècle, le mariage est un débat de société, et les questions posées, explicitement ou implicitement, par Castiglione reflètent celles qui agitent les autorités religieuses : le mariage est-il une union choisie par deux individus ou un « pacte de familles »85 ? Si tout le monde s’accorde pour condamner la clandestinité des mariages secrets, les avis sont partagés sur la position à adopter quant au choix des parents. L’oscillation est régulière. Mais, au milieu du Cinquecento, l’Église contrôlera l’institution matrimoniale en comblant un vide du pouvoir séculier et en en faisant un acte religieux, même si la question de l’intérêt des familles ou des futurs époux n’est pas définitivement tranchée. Julien de Médicis n’évoque pas clairement ici cette question, mais la tournure restrictive qu’il emploie (voglio che ella ami uno col quale possa maritarsi : « je veux qu’elle aime quelqu’un avec qui elle puisse se marier ») laisse entendre que le choix du conjoint ne saurait être – du moins uniquement – du ressort des jeunes gens et des jeunes femmes.

Le quatrième livre peut conforter notre lecture. En effet, ce livre, qui résulte en fait de la division du troisième en deux parties s’est accompagné, dans le troisième livre, d’une part accrue accordée à la femme et à sa louange, qui n’existait pas dans la version initiale86. Cette louange – nous l’avons vu – nous semble ambiguë et l’exposé consacré à l’amour dans le quatrième livre soulignerait plutôt les limites de la conception du rôle et de la liberté de la femme dans Le Courtisan. En effet, si nous sommes loin de la caricature des positions traditionnellement misogynes, les qualités féminines sont toujours les mêmes, qu’il s’agisse de la beauté, de la grâce, de l’esprit et, surtout, des vertus de modération et de pudeur qui ont été célébrées dans les nombreux exempla du livre iii. Plus que la réflexion sur l’amour néoplatonicien, l’influence pétrarquiste donne le ton, avec, pour les femmes, ses apports et ses restrictions : le fait que Castiglione place dans la bouche du personnage de Bembo ces derniers développements est significatif. Castiglione salue ainsi l’auteur des Asolani et reprend avec lui, et non pas contre lui, cette même distance amusée vis-à-vis du chaste amour des platoniciens. Quand le personnage d’Emilia met en garde Bembo contre une tendance à oublier les réalités mondaines dans ses envolées sur l’amour intellectuel, nous ne pensons pas qu’il faille y voir une contre-parole à l’intérieur du dialogue : ici les deux voix parlent de conserve en réalité, le Bembo de Castiglione, prêt au compromis raisonnable, est proche du Bembo réel et de ses critiques de l’idéalisme platonicien87. Mais ces tolérances et l’excuse du jeune âge pour expliquer les écarts sensuels ne profitent qu’aux garçons. Si l’amour charnel est présenté comme une erreur, un leurre, aux jeunes hommes, dont la faiblesse des sens est considérée avec une bienveillance complice, on concède de pouvoir y succomber. La dissymétrie qu’avait dénoncée Equicola entre l’indulgence envers les hommes et la dureté envers les femmes est ici parfaitement illustrée : les doux écarts, tel le baiser, ne sont accordés qu’aux hommes, même si l’on peut s’interroger sur l’identité des partenaires qui reste dans un angle mort de la conversation.

La défense des femmes, chez Castiglione, va de pair avec la valorisation du mariage quand, souvent, en suivant certains pères de l’Église, les propos les plus misogynes prescrivaient presque le célibat. Ainsi le mariage devient-il le cadre de l’amour entre hommes et femmes et il est valorisé par Castiglione à l’image du couple complémentaire et parfait de l’homme et de la dame de cour. Mais la réalité offre aussi beaucoup de cas d’unions imparfaites, alors ce même mariage est aussi soutenu, quel que soit le sort réservé à l’épouse. Le courtisan est le lieu de la défense de la femme pour, quasi simultanément, lui imposer d’endurer au sein du mariage l’adversité avec vertu et soumission. Ainsi cet espace où peuvent s’épanouir l’amour et la solidarité des époux reste-t-il le cadre strict, en cas de malheur, de la subordination de la femme toujours « sous la tutelle de son mari » (in mariti arbitrium), pour reprendre les termes d’Equicola, quand elle n’est plus sous celle de son père. Si la critique de l’éducation est en grande partie partagée et que la haute société accorde aux femmes l’accès à la culture, en revanche la critique sociale et juridique qui était celle d’Equicola ne trouve pas de soutien dans la littérature aulique du début du Cinquecento.

 

En ce début du Cinquecento, on voit la réflexion sur l’amour s’éloigner du modèle philosophique platonicien en même temps que la place de la femme est affirmée et légitimée en tant que digne objet du désir. Si des analogies subsistent, néanmoins, plus l’importance de la femme est accrue, plus le développement néoplatonicien s’efface, est détourné, voire renversé : en effet, dans ces traités, avec la valorisation de la femme liée au discours sur l’amour, on ne veut plus revendiquer le modèle de l’amour philosophique et homosexuel, si ce n’est par le biais du pétrarquisme qui l’altère fortement aussi dans sa visée purement intellectuelle. Dans un certain nombre d’ouvrages, notamment dans Le courtisan, le discours sur l’amour, tout en s’en inspirant, se désolidarise de la pensée platonicienne et de ses implications pédérastiques. Une telle évolution va de pair avec la reconnaissance et l’intégration dans la réflexion de la norme sociale du mariage. Les Dialoghi de Léon l’Hébreu sont un point de bascule important de cette évolution, qui correspond à un premier temps de la défense et de la valorisation des femmes dans le cadre de la réflexion sur l’amour. Mais, quand celle-ci est reprise au sein des ouvrages sur la cour, le débat – rendu et mis à distance grâce à la forme dialogique – reste comme suspendu, les thèses étant partagées entre différents discours. Néanmoins, deux lignes de force peuvent être dégagées : d’une part, la réfutation nette des thèses misogynes issues de la tradition médicale antique et médiévale et, d’autre part, l’adhésion à la norme sociale du mariage, lieu ambivalent de la reconnaissance des femmes et des limites de cette reconnaissance. Celles-ci sont, en véritables partenaires, invitées à adhérer d’elles-mêmes au respect de règles qui sont celles d’un modèle de société inchangé, bien qu’une place existe, dans le dialogue, pour des voix dissonantes. Mais même ces voix s’élèvent surtout pour dénoncer des excès, des situations extrêmes, elles ne remettent pas en question les fondements du modèle patriarcal. La distribution de la parole propre au dialogue permet d’entendre des opinions différentes, mais permet aussi de déplacer sans cesse l’accent, de ne pas s’attarder sur certains points, en particulier quand les valeurs individuelles viennent heurter les valeurs collectives. Ainsi la radicalité des thèses et du discours de Mario Equicola dans le traité De mulieribus en 1501 n’en est-elle que plus frappante et marquante. Sans doute a-t-elle porté et donné de la force à certaines aspirations dans les milieux aristocratiques les plus émancipés – ce dont témoignent certains interlocuteurs du Courtisan –, mais ces aspirations sont aussitôt ramenées aux convenances, aux lois et aux usages dont Equicola dénonçait précisément les abus. La représentation du mariage comme union harmonieuse, caractérisée par l’amitié amoureuse de l’homme et de la femme de cour, célèbre un modèle qui est lui aussi un idéal et qui résiste mal aux coups de la réalité. Si l’égalité qu’Equicola appelait de ses vœux a pu être exprimée, elle n’a pu aboutir. Les dialogues auliques du début du siècle font une diffusion maîtrisée de cette revendication, d’autant mieux cernée qu’elle n’est pas totalement niée ou censurée, mais privée d’une réelle critique sociale et d’un fondement philosophique.

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Notes

1 Nous reviendrons plus loin sur la tradition scolastique, infra, p. 248-249 et note 49. Retour au texte

2 Voir Lenzi (1982) qui, en s’appuyant sur l’étude de traités du Quattrocento consacrés aux femmes et/ou à l’éducation (en particulier ceux de B. Malatesta, F. Barbaro, L. Bruni, M. Veggio), montre que, chez ces humanistes, le propos, dans le fond, reste assez conventionnel, entre culture classique et morale religieuse. I Libri delle famiglia d’Alberti reflètent cette position moyenne, bienveillante envers les femmes mais conforme à la morale traditionnelle qui lie leur rôle et leur destin à celui de la famille. Les auteurs se méfient de la passion amoureuse comme d’un élément perturbateur de l’ordre établi, à moins de l’intégrer, voire de la dissoudre, au sein de l’amitié conjugale, thème dont Castiglione se saisira dans le Courtisan : pour une approche de ce thème chez Alberti, voir le livre de Bianchi-Bensimon consacré Alberti, en particulier le chapitre « Le mari et la femme » (1998, p. 125-169), le deuxième chapitre de Furlan (2004) et l’article de synthèse, ainsi que la bibliographie qui l’accompagne, de McCue Gill (2011). Retour au texte

3 Le genre de l’éloge des femmes s’est considérablement développé tout au long du xve et du xvie siècle italien, sur le modèle et à la suite des vies de femmes du De mulieribus claris (1374) de Boccace, tel le Gynevera de le clare donne de Giovanni Sabadino degli Arienti en 1492, étudié par Kolsky (1993, p. 27-40). Même si certains auteurs, comme Giovanni Sabadino degli Arienti, qui se réjouit de son propre mariage, vantent les qualités intellectuelles des femmes, néanmoins ces propos restent souvent ponctuels, attachés à un éloge. La bibliographie sur ce genre est très vaste, nous renvoyons, entre autres, aux études de synthèse de Kolsky (2005) et de Franklin (2017). Sur la rhétorique de l’éloge, de nombreuses études soulignent bien souvent l’ambigüité du genre entre célébration et conservatisme. Pour un point sur la rhétorique des éloges féminins et les stratégies littéraires des défenses des femmes, voir Mac Lean (1980) ainsi que l’étude importante de Benson (1992). Plus récemment, voir Breitenstein (2016 et 2018). Retour au texte

4 Zonta a compilé un grand nombre de ces traités : voir Zonta (1912). Parmi les traités les plus importants que nous avons consultés, se trouvent : M. Equicola, Libro di natura d’amore (1525) ; A. Nifo, De pulchro et amore (1531) ; S. Speroni, Dialogo d’Amore (1542) ; G. Betussi, Dialogo Amoroso (1543) et Il Raverta nel quale si ragiona d’amore e degli effeti suoi (1544) ; F. Sansovino, Ragionamento nel quale brevemente s’insegna a giovani huomini la bella arte d’amore (1545) ; B. Gottifredi, Specchio d’Amore (1547) ; Tullia d’Aragona, Della infinità di Amore (1547) ; F. Cattani Da Diacceto, I tre libri d’Amore (1561) ; A. Farra, De miracoli d’Amore in Tre discorsi (1564) ; F. Nobili, Trattato dell’Amore Humano (1567) ; F. Patrizi, L’amorosa filosofia (1577) ; T. Tasso, La Molza ovvero dell’Amore (1585) ; F. Vieri, Il secondo ragionamento d’amore dans Discorsi (1587). Retour au texte

5 Plusieurs études ont vu le jour sur les traités d’amour dès la fin du xixe siècle et au cours du xxe siècle. Voir en particulier Rosi (1889), qui opère un classement entre les traités consacrés à l’amour dans son ensemble et les traités qui portent sur des questions précises ; dans Scienza d’amore (1904), Rosi s’intéresse plus précisément à la question féminine dans les traités d’amour. Voir aussi Savino (1912, p. 223-435) et Lorenzetti (1917) qui relie l’analyse des traités les plus connus à la question du beau. Est intéressante l’étude de Tonelli (1933, p. 249-310) qui distingue, avec Nifo et Equicola, une tendance aristotélicienne, une tendance épicurienne à partir du De Voluptate de Valla, et une tendance platonicienne qui comprend Ficin, Pic, Diacceto et Léon l’Hébreu. Il classe l’ensemble des autres traités dans un genre léger, entre platonisme et influence pétrarquisante. Cette classification nous paraît dans l’ensemble pertinente surtout en ce qu’elle distingue bien ce qui constitue un véritable fondement philosophique et des orientations plus floues qui sont le plus souvent un mélange d’influences à couleur platonisante. Voir aussi Saitta (1950, p. 71-156) ainsi que Robb (1956, p. 176-211) qui analyse les principaux traités en montrant une tendance générale pour une réhabilitation du corps et de la nature. Nelson (1963, p. 67-162) présente dans l’ordre chronologique les principaux traités, voir aussi Marcel (1956, p. 117-123). Enfin pour des études plus récentes, voir notre propre présentation en introduction du De pulchro d’Agostino Nifo (2003, p. LII-CII) et, dernièrement, l’étude de Leushuis (2017). Retour au texte

6 Nous pouvons aussi voir l’influence de ses thèses dans le De nobilitate et praecellentia foemini sexus de Cornelius Agrippa, composé dès 1509. Voir infra, p. 252, note 58. Retour au texte

7 Voir l’introduction de Laurens dans Ficin 2002, p. ix-lxix, ainsi que son article sur la « Lectura Platonis » dans le Commentaire sur le Banquet » (2002, p. 17-28). Rappelons aussi la vaste introduction de Marcel au Commentaire sur le Banquet de Platon (dans Ficin, 1956, p. 11-131). Retour au texte

8 Pour une vue d’ensemble sur l’influence de la philosophie de l’amour de Ficin, un des ouvrages de référence reste celui de Festugière, 1941. Voir aussi Crane, 1971 (chap. IV). Retour au texte

9 Voir l’article de Dall’Orto (1989, p. 33-65) : l’accusation de pédérastie devient une arme dont se servent artistes et écrivains les uns contre les autres, témoignant de l’opprobre qui pèse sur l’amour homosexuel. Voir aussi l’étude de synthèse de Rocke sur l’homosexualité à Florence (1996). Chez les premiers traducteurs et commentateurs de Platon au Quattrocento, en particulier chez Bruni, l’amour pédérastique platonicien a été ressenti comme un élément gênant de la doctrine, voire insoutenable, au point de transformer ou éluder certains passages : voir Kraye, (1994, p. 76-85). Retour au texte

10 Parmi l’abondante bibliographie qui est consacrée à ces questions dans le Banquet de Platon, nous renvoyons à l’article synthétique de Brisson (2000, p. 49-62). Retour au texte

11 M. Ficin, Comm. VI, 14, éd. cit., 2002, p. 182-185 (trad. Laurens) : Ita pregnans hominum corpus est, ut Plato uult, pregnans et animus, et ambo amoris incitamentis stimulantur ad partum. Ceterum alii uel propter naturam uel educationem ad animi fetus sunt quam corporis aptiores, alii, et quidem plurimi, contra. Illi celestem secuntur amorem, isti uulgarem. Illi natura iccirco mares et illos quidem iam pene adultos potius quam feminas aut pueros amant quoniam in eis magis admodum uiget mentis acumen, quod ad disciplinam, qua illi generaturi sunt, propter excellentiorem sui pulchritudinem est aptissimum. Alii contra, propter congressus uenerei uoluptatem et corporalis generationis effectum. Quoniam uero genitalis illa uis anime, utpote cognitionis expers, sexuum nullum habet discrimen, natura tamen sua totiens incitatur ad generandum, quotiens formosum corpus aliquod iudicamus, contingit plerumque ut qui cum masculis conuersantur, quo genitalis partis stimulos sedent illis se misceant. Hi presertim in quorum genesi Venus in signo masculino et cum saturno fuerit, uel in Saturni finibus uelm saturno opposita. Oportebat autem animaduertere partis illius incitamenta non irritum hoc iacture opus, sed serendi et procreandi officium affectare atque a masculis ad feminas eam traducere. Huiusmodi quodam errore nepharium scelus illud exortum putamus quod in Legibus suis Plato tamquam homicidii spetiem acerime detestatur. Quippe non minus homicida censendus est qui hominem preripit nasciturum quam qui natum tollit e medio. Audacior quidem qui presentem abrumpit uitam ; crudelior autem qui lucem inuidet nascituro et nondum natos suos filios enecat. [« Ainsi le corps des hommes, selon Platon, est-il gros de semences, ainsi que l’âme, et tous deux sont-ils, par l’aiguillon d’Amour, incités à la génération. Mais les uns, soit par nature soit par éducation, sont plus aptes à produire des fruits de l’âme plutôt que du corps, et les autres, les plus nombreux, tout au contraire. Les premiers s’attachent à l’amour céleste, les seconds à l’Amour vulgaire. Les premiers aiment naturellement les mâles, et plus précisément les jeunes adolescents, plutôt que les femmes ou les enfants, parce qu’en eux brille particulièrement l’acuité de l’intelligence qui, en raison de sa beauté supérieure, est plus apte à porter le savoir qu’ils désirent engendrer. Les autres en revanche sont mus par le plaisir de l’union charnelle et l’effet de la génération par le corps. Mais comme cette puissance génératrice de l’âme, étant dépourvue de connaissance, est incapable de distinguer entre les sexes, et que sa nature la porte à engendrer chaque fois que nous jugeons qu’un corps est beau, il arrive bien souvent que ceux qui fréquentent les garçons s’unissent à eux pour apaiser les aiguillons de la chair. C’est surtout le cas de ceux qui ont dans leur thème de nativité Vénus dans un signe masculin et unie à Saturne, ou dans les limites de Saturne ou à son opposé. Mais il conviendrait d’observer que les stimulations de cette puissance ne tendent pas à jeter la semence en pure perte, mais obéissent au devoir de semer et d’engendrer et donc de la transférer de l’homme à la femme. C’est par une erreur de ce genre qu’est né ce crime abominable que Platon maudit dans les Lois comme une sorte d’homicide. Car on ne doit pas moins juger homicide ce qui anéantit un homme à naître que celui qui assassine un enfant déjà né. Il y a plus d’audace certes à ôter une vie déjà commencée ; mais plus de cruauté à refuser le jour à l’enfant qui va naître et à tuer ses enfants avant même qu’ils soient nés »]. Sur ce passage et d’autres concernant la question complexe de la présence et du traitement de l’amour homosexuel chez Ficin, lire les pages que Schachter y consacre (2006, p. 406-439, en particulier p. 409-415). Retour au texte

12 éd. cit., vii, 2, p. 210-211 (trad. Laurens) : Maxime omnium legitime amasse Socrates ab omnibus perhibetur. Is cum per omnem uitam palam sine ulla prorsus dissmulatione in castris Cupidinis militasset a nullis unquam notatus est, quasi minus honeste quemquam dilexerit. [« Or que Socrate ait aimé plus parfaitement que personne, c’est ce que tous rapportent. Car ayant milité toute sa vie durant, ouvertement et sans la moindre dissimulation, dans les camps de Cupidon, jamais personne ne put l’accuser d’avoir aimé quelqu’un de façon déshonnête »]. Retour au texte

13 Reeser (2015) analyse finement la façon dont Ficin, en commentant Platon, élude ou contourne les questions liées à la sexualité tout en montrant derrière cette « purge » (purging), voire dans cette purge même, la présence du corps et du sexe, masculins certes, mais aussi féminins (voir en particulier le chapitre 3 : « Ficino and the Theory of Purging Same-Sexe Sexuality », p. 88-116). Retour au texte

14 éd. cit., 2002, II, 3, p. 44-45 (trad. Laurens). Retour au texte

15 Ficin se réapproprie ici la théorie des esprits vitaux héritée de Galien et largement diffusée par Avicenne pour l’articuler à celle de la vision, permettant les opérations entre l’âme et le corps, les esprits vitaux circulent dans le sang, et l’œil de l’amant darde ses rayons qui pénètrent l’œil de l’aimé(e) dont le sang se trouve contaminé. Les considérations physiologiques et médicales, héritées de la théorie antique et médiévale de la maladie d’amour, nourrissent ici un jugement moral fortement lié à la condamnation stoïcienne des passions. On en trouve un écho chez Ficin, notamment, dans une conception de l’âme dualiste, par la présence du lexique de l’ébranlement et du mouvement (affectus, motus, commotio) qui montre une âme malade, privée de raison, amentia. Pour une étude plus précise de l’amour humain chez Ficin, voir Laurens (2001, p. 139-151) et Boulègue (2007). Retour au texte

16 Sur ces sources et d’autres modèles, voir la note 44, très complète, de Laurens, dans Ficin, 2002, p. 269. Retour au texte

17 Dialoghi d’Amore di Maestro Leone Medico Hebreo, stampata in Roma per Antonio Baldo d’Assola Del. MDXXXV. Signalons ici l’édition récente de Giovannozzi (2008). À défaut de traduction française moderne, nous citons celle de Pontus de Tyard qui témoigne du vif succès de l’ouvrage en France (Lyon, MDLI), rééditée en 2006. Retour au texte

18 Voir l’introduction et les notes de Dagron dans Léon l’Hébreu (2006, p. 7-45). Retour au texte

19 Léon l’Hébreu, 1535 (fac. simile in Biblioteca Spinozana, Curis Societatis Spinozanae, tomus III, 1929), Dialogo terzo, f. 40 r-v. Retour au texte

20 Trad. Pontus de Tyard, 2006, p. 310. Retour au texte

21 Voir le passage III, 113-114 (trad. Pontus de Tyard), 2006, p. 311-312 : « Je te montre que la divinité consiste en l’aimé et non point en l’amant : car l’aimé est (comme Dieu) beau actuellement, et l’amant est beau potentiellement et en tant que le désir, ‘par la jouissance’ le peut faire beau : et combien que ‘l’accomplissement du’ désir lui fasse part de la divinité, si n’est-il dieu comme l’aimé ». Les crochets sont ajoutés par les éditeurs modernes (2006) et signalent les mots ajoutés par Pontus de Tyard dans sa traduction. Retour au texte

22 Les Dialoghi d’amore ont donné lieu à de nombreuses études philosophiques sur la complexité des sources et de la doctrine de l’auteur. En ce qui concerne les deux niveaux de composition du dialogue que sont le cadre du dialogue et de ses répliques d’une part et l’exposé proprement philosophique d’autre part, voir Arnaud (2005, p. 161-185). Retour au texte

23 Sur la question des sens et de la beauté, voir Ivanoff (1936, p. 12-21). Retour au texte

24 Léon l’Hébreu, 1535, Dialogo primo, f. 37 r. Retour au texte

25 Trad. Pontus de Tyard, 2006, p. 120-121. Retour au texte

26 Léon l’Hébreu, 1535, Dialogo primo, f. 16 r. Retour au texte

27 Trad. Pontus de Tyard, 2006, p. 80. Retour au texte

28 Certains critiques, comme Robb, n’ont pas manqué de voir dans cette vision panthéiste une pensée originale présentant des affinités avec la philosophie de Spinoza. Voir Robb (1956, p. 198-201) et Jaquet (2005, voir en particulier le chapitre « L’essence de l’amour dans les Dialogues d’amour de Léon l’Hébreu et dans le Court traité », p. 163-178). Retour au texte

29 Sur les thèmes de la sexualité, de l’amour et du mariage, voir le deuxième livre de l’Histoire de la sexualité II. L’usage des plaisirs de Foucault (Paris, 1984), en particulier les chapitres « La sagesse du mariage », p. 104-110, « Trois usages de la tempérance », p. 122-135, et « Le véritable amour », p. 166-178 (en particulier p. 166) : Foucault voit dans les cultures chrétiennes un glissement de la conception de la relation homosexuelle à la relation hétérosexuelle à propos des questions liées à l’amour et au plaisir et dans la relation amant/aimé(e). Néanmoins, le thème et la question du mariage viennent nuancer cette analogie. Le jeu des influences est complexe, comme en témoigne la prégnance de la réflexion sur l’amour des poètes élégiaques romains et de leurs successeurs. Signalons la présence, déjà chez Plutarque, des thèmes liés de l’amour et du mariage dans le cadre d’une relation hétérosexuelle. Retour au texte

30 Sur Mario Equicola, qui fut par la suite le secrétaire d’Isabelle d’Este, voir Santoro (1906, p. 167-187) ; Kolsky (1991) ; Cherchi (1993, p. 37-38). Retour au texte

31 Equicola, Libro de natura de amore, Venetia, Lorenzo Lorio da Portes, 1525. L’ouvrage connut un réel succès au xvie siècle : il fut réédité treize fois entre 1526 et 1607, et traduit en français par Gabriel Chapuis (Léon l’Hébreu, 1584), traduction elle-même rééditée dès 1589. Retour au texte

32 Les éléments de la défense des femmes présents dans le Libro di natura d’amore sont bien relevés par Jordan, (1990, p. 75-76). Retour au texte

33 La traduction française du De mulieribus et une anthologie de textes autour du traitement humaniste de la question féminine en Italie et en France sont actuellement en cours d’élaboration au sein du laboratoire TrAme (Université de Picardie Jules Verne) sous la direction de L. Boulègue et doivent paraître en 2022. Retour au texte

34 Sur cet ouvrage, voir la présentation succincte mais dense de Santoro (1906, p. 114-116) et la notice de Cherchi (1993, volume 43, p. 34). Retour au texte

35 Le De mulieribus est encore assez peu étudié dans les études consacrées à la question féminine à la Renaissance. Néanmoins, nous sommes d’accord avec Santoro (voir supra, note 34) pour voir dans le traité d’Equicola le premier ouvrage philosophique consacré à la défense des femmes. Fahy l’a consulté à la bibliothèque Vaticane et l’a aussi mentionné dans un article qui reste un des plus importants sur la question à la Renaissance : voir Fahy, (1956, p. 30-55). Voir aussi l’introduction de Totaro dans Equicola, 2004, p. 11-18. Sur le traitement de la question des femmes dans la littérature humaniste, voir la vaste étude de Jordan (1990) qui replace le débat dans une réelle perspective historique. Voir aussi les collectifs dirigés par Hutson (1999), Broad et Green (2007 et 2009). Retour au texte

36 Édité pour la première fois à Anvers en 1529, le De nobilitate et praecellentia foemini sexu fut composé en 1509, alors que son auteur n’avait que vingt-trois ans. S’opposant aux traditionnelles thèses misogynes, Agrippa affirme que la femme est supérieure à l’homme sur certains points (ce qui inscrit l’ensemble du propos dans le registre de la louange, qui comporte ses propres limites) : son origine est plus noble puisqu’elle fut façonnée avec les anges, elle surpasse l’homme en beauté, elle est vertueuse et honore la pudeur. Nous renvoyons à l’édition moderne de Béné et Sauvage : voir Agrippa, 1990. Cette édition ne mentionne pas le traité antérieur d’Equicola, pourtant Cornelius Agrippa nous semble bien s’en inspirer directement quand il reprend les arguments d’ordre naturel et social (voir infra, p. 252, note 58), mais l’ensemble de son argumentation est plutôt d’ordre théologique, en opérant la rencontre des deux traditions médiévales de la défense des femmes, celle de la femme virile, égale de l’homme, et celle de la uirgo, supérieure aux hommes en raison de qualités spécifiquement féminines : voir la préface d’Antonioli, dans Agrippa, 1990, p. 7-42 ; voir aussi l’étude de Newman (1995) en particulier l’introduction, p. 1-18 et le chapitre 7, « Renaissance Feminism and Esoteric Theology : The Case of Cornelius Agrippa », p. 224-243). Retour au texte

37 éd. cit., 2004, p. 22. Retour au texte

38 Notre traduction. Retour au texte

39 Sur les orientations philosophiques d’Equicola dans cet ouvrage, voir l’analyse de Kolsky (2008, p. 50-62) que nous ne partageons pas entièrement mais qui relève bien la combinaison entre scepticisme (qui reste encore à déterminer), platonisme et aristotélisme dans la pensée d’Equicola. Retour au texte

40 Voir Antonaci (1978, p. 95-116). Retour au texte

41 Sur les liens entre Pomponio Leto et Equicola, voir Kolsky (1991, p. 29-40). Retour au texte

42 Sur Margherita Cantelmo, voir James (2011, p. 145-164). Retour au texte

43 Voir Santoro (1906, p. 38-39) : Equicola, en 1507, s’est rendu à Mantoue à la cour d’Isabelle d’Este dont il devint le précepteur en 1508-1509. Il revint auprès des époux Gonzaga de 1519 à 1525 (ibid., p. 57-89). Sur ces liens avec Isabelle d’Este, voir Kolsky (1991, p. 103-170, chap. III, « In the service of Isabella d’Este ») et Villa (2006). Retour au texte

44 Voir Broad et Green (2009, chapitre II (« Women of the Italian Renaissance »), p. 38-59). Retour au texte

45 Les études récentes divergent sur la nature des relations entre Isabelle d’Este et son mari. Carolyn James suppose que le Marquis de Gonzaga, diminué par sa situation quand il fut emprisonné par les forces de l’empire après l’invasion de l’Italie, mais aussi par son état de santé et par l’âge, n’a peut-être pas tout à fait approuvé la place prédominante de sa femme et les thèses féministes d’Equicola : voir James (2007, p. 68). Sarah D. P. Cockram soutient la thèse selon laquelle les deux époux ont élaboré une véritable stratégie de partage du pouvoir : voir Cockram (2016). Retour au texte

46 éd. cit., 2004, p. 48. Retour au texte

47 Notre traduction. Retour au texte

48 En effet, moine et cousin de Margherita Cantelmo, Strozzi fait paraître la même année, en 1501, sa propre Defensio mulierum. Sur la relation entre Margherita Cantelmo et Agostino Strozzi, voir l’article de James et Kent, (2009, p. 85-115). Les deux traités, d’Equicola et Strozzi, s’inscrivent dans une polémique que suscita le conservateur De plurimis claris selectisque mulieribus de Jacopo Foresti, publié à Ferrare en 1497, anthologie dans laquelle l’élite féminine était consignée à son rôle traditionnel. Retour au texte

49 La bibliographie est vaste et ne saurait être ici exhaustive. Nous renvoyons plus précisément aux études qui montrent l’articulation de ces savoirs et leur passage dans l’Université médiévale et renaissante : Nardi (1959, p. 517-542) ; Mac Lean (1999, p. 127-155) ; Jacquart et Thomasset (1985) ; Siraisi (1987) ; Bullough (1991, p. 122-134) ; Berriot-Salvadore (1991, p. 359-395). Les organes génitaux féminins sont très étudiés, en particulier à l’Université de Salerne : voir Lawn (1963) et, plus récemment, Jacquart et Paravicini Bagliani (2007). Retour au texte

50 éd. cit., p. 26-28. Retour au texte

51 Notre traduction. Retour au texte

52 Pour un point synthétique, voir Jacquart et Thomasset (1985, p. 113-114). Retour au texte

53 éd. cit., p. 28-30. Retour au texte

54 Notre traduction. Retour au texte

55 Sénèque, Lettres à Lucilius, V, 47, 10. Retour au texte

56 éd. cit., p. 30. Retour au texte

57 Notre traduction. Retour au texte

58 Cornelius Agrippa retournera les arguments d’ordre théologique plutôt que ceux d’ordre naturel et philosophique comme le fait Equicola. Mais, quand il vient sur ce terrain, les positions de Cornelius Agrippa condamnent alors la subordination des femmes dans la société, en reprenant, nous semble-t-il, le jugement et les termes d’Equicola et en s’indignant à son tour que les femmes soient maintenues dans l’ignorance et qu’elles occupent une place subalterne dans la société : « Mais l’excessive tyrannie des hommes prévalant sur le droit divin et les lois de la nature, la liberté qui fut accordée aux femmes leur est de nos jours interdite par les lois injustes, supprimée par la coutume et l’usage, réduite à néant par l’éducation » (voir Agrippa, 1990, p. 87 : Sed uirorum nimia tyrannide contra diuinum ius naturaeque leges praeualente, data mulieribus libertas iam iniquis legibus interdicitur consuetudine usuque aboletur, educatione extinuitur). Bien qu’elle n’ait pas été relevée, la similitude avec le passage d’Equicola est frappante. Retour au texte

59 La bibliographie est vaste, nous renvoyons en particulier l’étude de De Maio (1987) qui examine le statut et les discours de l’infériorité de la femme dans les domaines philosophique, médicaux, juridique, politique, littéraire : si l’on peut parler, à la Renaissance, d’une prise de conscience de la femme, manifeste dans la littérature (Boccace, Christine de Pizan, Marguerite de Navarre...), néanmoins le rôle social et le discours dominant restent soumis aux préjugés sur l’infériorité physiologique et morale dont découle tout le reste. Nous renvoyons également à Duby et Perrot (1991). Dans cet ouvrage de référence, voir en particulier le tome 3 (xvie-xviiie siècles) : l’article de Sara F. Matthews Grieco (« Corps, apparence et sexualité », p. 61-94) montre combien la conjonction du moralisme et de la misogynie issue des milieux médicaux et des théologiens, fondée sur la conception du corps que nous avons évoquée plus haut, sont autant d’oppressions. Retour au texte

60 Voir l’excellent article de King (1990, p. 283-335) : les contours et les éléments de l’éducation féminine rencontrent bien le tableau qui en est donné par Equicola. Retour au texte

61 King montre aussi que, dans les milieux nobles, l’accès à la culture est favorisé tout en mettant en garde, paradoxalement, contre les dangers de l’instruction (1990, p. 324-335). Même dans les contextes les plus favorables, domine l’idée que la femme doit observer des limites et honorer les vertus qui doivent être les siennes, telles que la pudeur, la chasteté, la modestie. Retour au texte

62 Gli Asolani di Messer Pietro Bembo, in Venetia nelle Case d’Aldo Romano, MDV. Nous renvoyons à l’édition de 2006 (éd. C. Dionisotti et trad. M.-Fr. Piéjus). Retour au texte

63 Rosi (1904) voit dans ces ouvrages des témoins importants de l’histoire des mœurs dans l’Italie du xvie siècle. Robb, dans le sixième chapitre (« The trattato d’amore ») de son livre sur le néoplatonisme italien de la Renaissance (1956, p. 176-211), adopte aussi cette lecture et relève dans les trattati une combinaison de propos profonds, hérités de la philosophie d’amour néoplatonicienne du siècle précédent, et de propos frivoles, reflets des sujets de conversation favoris des milieux aristocratiques. À sa suite, Nelson (1963, p. 67-162) lit à peu près la même évolution, à savoir une vulgarisation de plus en plus stéréotypée de la réflexion philosophique lors du passage au Cinquecento. Pour beaucoup de critiques, comme c’est le cas aux yeux de Nelson et de Robb, les Asolani de Bembo marquent ce passage, ce qu’analyse précisément Vallese (1964, p. 15-30). Dans un jugement sévère, Chastel (1954, p. 121) – visiblement indifférent à la subtilité ironique et à l’humour de Bembo (voir infra, p. 255, note 68) – a considéré les Asolani comme une « dégradation intellectuelle » de la pensée sur l’amour. Retour au texte

64 Sur la question de l’effet de réel, plus ou moins prononcé, dans les dialogues de la Renaissance, voir l’étude de Cox (1992). Retour au texte

65 La poésie de Pétrarque et de ses successeurs symbolise bien, d’une part, l’interférence entre la poésie classique et la nouvelle poésie en langue vulgaire et, d’autre part, la vulgarisation et le nouveau traitement, ancré dans les réalités humaines et sociales du temps, de l’idéalisme platonicien. Les études furent nombreuses et fructueuses depuis le début du xxe siècle : outre celles de Nelson, Vallese et Robb, voir, entre autres, celles de Toffanin (1928, p. 3-14) et Crane (1971, p. 98-158). Retour au texte

66 Guérin a bien étudié la mise en scène par elle-même de la société aristocratique, vue peut-être déjà comme un idéal perdu que l’on souhaite faire revivre. Voir Guérin (2006, p. 235-296). Sur les différents types de dialogues humanistes et l’influence cicéronienne, voir Marsh, 1980 ainsi que l’introduction de Buron, Guérin et Lesage, (2015, p. 11-20). Retour au texte

67 Les longs exposés dogmatiques restent la caractéristique des prises de parole des personnages masculins, ce sont eux qui délivrent les propos sérieux, même s’il est clair que la présence des femmes, la façon dont elles orientent parfois la conversation sont un aspect important qui ne doit pas être jugé insignifiant (voir Cox, 2013, p. 53-78). Mais, si ces éléments doivent en effet être pris en considération, la teneur des propos tenus reste prudente : voir l’étude de Benson (1992) qui analyse les processus mis en œuvre par les auteurs comme des stratégies visant à limiter volontairement l’émancipation féminine. Retour au texte

68 Cependant, Guérin (2015, p. 83-94) analyse tout autrement ce troisième livre et voit dans la fin du dialogue de Bembo un « traité déguisé », détenteur d’une vérité qui mettrait fin à la diversité des opinions. Nous ne croyons pas qu’il faille prendre à la lettre et de façon univoque cette version platonisante de bon ton, placé dans la bouche d’un vieux sage, un ermite éloigné des réalités humaines, chez un auteur qui, par ailleurs, prend souvent ses distances avec l’idéalisme platonicien ; il suffira pour s’en convaincre de lire, entre autres, l’échange que Bembo aura avec Gianfrancesco Pico della Mirandola en 1512-1513, où il tourne en dérision le concept même d’idée platonicienne : voir Boulègue (2018, p. 237-251). Retour au texte

69 Il libro del cortegiano, del conte Baldesar Castiglione, in Venetia, nelle case d’Aldo Romano e Andrea d’Asola suo suocero, nell’anno 1528, del mese d’Aprile. Retour au texte

70 Sur l’histoire de la composition du texte du texte, voir l’introduction de Barberis, dans Castiglione, 1998, p. VII-VIII, note 2. Voir aussi, l’étude de Ghinassi (1969, p. 156-194). Retour au texte

71 C’est particulièrement vrai au livre iii, consacré aux femmes, où la forme oscille entre dialogue et traité : voir Villa, 2014, p. 393-412. Retour au texte

72 Castiglione, 1998, p. 259-260. Retour au texte

73 Traduction d’après celle de Chappuis (1580) dans Castiglione (1987, p. 233). Retour au texte

74 Dans la littérature nouvelle du début du Cinquecento, les thèmes de la beauté et de l’amour sont associés à la parole féminine : voir Cox (2013, p. 65-67). En ce qui concerne l’influence de la littérature amoureuse médiévale mêlée au platonisme dans le Cortegiano, voir aussi Toffanin (1961). Retour au texte

75 Sur la rhétorique du dialogue chez Castiglione, voir Cox (1992, p. 47-60 (« Castiglione’s Cortegiano : the dialogue as a drama of doubt »). Retour au texte

76 Sur ces passages, voir l’introduction de Pons dans Castiglione (1987, p. 28 et sv.). Retour au texte

77 Sur la rhétorique de l’exemple, voir Lyons (1989). Retour au texte

78 Castiglione (1998, p. 331). Retour au texte

79 Traduction d’après celle de G. Chappuis (1580) dans Castiglione (1987, p. 298). Retour au texte

80 La hiérarchie platonicienne est donc rétablie, et cela est sensible aussi dans le discours final de Bembo où la femme, si célébrée soit-elle, est de fait exclue de l’ascension vers le divin, privilège de l’amour véritable réservé à l’amant. Voir sur ce point l’analyse de Schachter (2006, p. 419-420). Sur la similitude des préoccupations sur le comportement des femmes et sur celui des garçons dans le cadre du couple pédérastique en Grèce, voir Foucault, (1984) chap. « L’honneur d’un garçon » (p. 149-156) et « L’objet du plaisir » (p. 157-164). Retour au texte

81 Voir en particulier les passages que Leushuis consacre au Courtisan de Castiglione : Leushuis (2003, p. 95-151). Retour au texte

82 Jordan (1990, p. 76-85). Retour au texte

83 Castiglione (1998, p. 332). Retour au texte

84 Traduction d’après celle de Chappuis (1580) dans Castiglione (1987, p. 298). Retour au texte

85 Nous reprenons l’expression à Gaudemet, 1993, p. 101-114. Voir aussi Sot, 1991, p. 193-206. Retour au texte

86 Voir supra, p. 255, note 70. Retour au texte

87 Voir supra, p. 255, note 68. Nous ne suivons donc pas ici Lipking (1966, p. 355-362), non plus que Leushuis qui le cite (2003, p. 113), qui pensent que le discours de Bembo est ramené à la réalité courtoise par Emilia, mais que le personnage même de Bembo, en tenant ce discours, incarne ce propos. Le personnage de Bembo, chez Castiglione, prend lui-même un rôle qu’il ne tient pas jusqu’au bout et cède bien volontiers. Savino (1912, p. 407-413) va jusqu’à considérer le discours de Bembo chez Castiglione comme une satire de l’amour divin. Retour au texte

Citer cet article

Référence électronique

Laurence Boulègue, « La place de la femme et la question du mariage dans la réflexion sur l’amour et les femmes du début du Cinquecento », Eugesta [En ligne], 10 | 2020, mis en ligne le 01 janvier 2020, consulté le 09 mai 2024. URL : http://www.peren-revues.fr/eugesta/289

Auteur

Laurence Boulègue

Université de Picardie Jules Verne
laurence.boulegue@u-picardie.fr

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