Femmes au vase sur la scène tragique : enjeux dramatiques et symboliques

DOI : 10.54563/eugesta.810

Résumé

Quand un personnage féminin paraît dans l’orchestra de la tragédie grecque, il y a de fortes probabilités pour qu’il porte un vase entre ses mains, ou qu’il soit suivi d’un ou plusieurs figurants muets assignés à cette fonction. En effet, l’usage de l’objet justifie dramatiquement la sortie des femmes hors de l’oikos, à des fins religieuses ou domestiques : libations ou corvée d’eau. Ce sont ces « scènes à vase », récurrentes dans les tragédies conservées d’Eschyle, de Sophocle et d’Euripide, que nous examinerons comme un ensemble cohérent, dans des perspectives dramatique, dramaturgique et symbolique, afin de mettre en lumière ce que l’usage de cet accessoire théâtral dit de l’identité féminine. Objet polysémique et polyvalent, associé au pouvoir de vie et de mort attribué aux femmes, le vase permet de représenter les personnages féminins sur la scène théâtrale comme des figures maternelles et nourricières ; quand le personnage est une numphè, une vierge en âge d’être mariée – à l’exemple d’Électre, Ismène, Hermione – le départ, vase en main, vers un espace extérieur à l’oikos, est toujours synonyme de danger et d’agression potentielle. Dans ces circonstances, le vase, menacé de chute ou de bris, peut apparaître comme un signal visuel traduisant le rapport problématique de ces numphai au mariage.

Plan

Texte

Existait-il dans la représentation tragique athénienne du Ve siècle avant J.-C. des accessoires proprement féminins ? Mettre en scène des femmes au théâtre, cela signifiait les faire parler en leur nom propre, quand leur parole était auparavant relayée par un intermédiaire masculin (l’aède, le poète lyrique)1. Mais dans un art dont les effets reposent sur l’articulation du verbal et du visuel, cela engageait aussi des moyens matériels : masques et costumes spécifiques2, adoption par les acteurs d’une gestuelle « genrée »3, et éventuellement d’accessoires perçus comme propres au féminin. C’est alors aussi au niveau des éléments concrets du spectacle que pouvaient se jouer l’inversion et le mélange des genres, féminisation des héros et virilisation des femmes, ressorts dramatiques et visuels que les Tragiques n’ont pas cessé d’exploiter pour dire les dysfonctionnements des liens entre les sexes, dans l’espace de l’oikos et celui de la cité4. Nous explorerons donc ici les représentations tragiques du féminin, en prenant pour point de départ l’observation d’une donnée rarement exploitée par les critiques : la présence récurrente, entre les mains des femmes, contre leur corps, ou encore posé sur leur tête, d’un objet avec lequel elles semblent entretenir des relations étroites ; nommé le plus souvent τεῦχος ou encore ἄγγος, le vase est cet objet fétiche, instrument que les femmes utilisent dans la réalisation de deux actions qui leur sont réservées : le versement de libations rituelles aux morts (choai), et l’approvisionnement en eau à la fontaine. Les occurrences de ces deux activités se partagent inégalement dans les tragédies conservées ; si les femmes effectuent fréquemment des libations dans l’espace scénique ou dans le hors-scène donné à imaginer aux spectateurs, Électre est la seule à qui Euripide a confié la tâche domestique de la corvée d’eau5.

Les deux substantifs τεῦχος et ἄγγος ont la caractéristique d’être des termes poétiques, de sens très général, employés dans la tragédie pour désigner des réalités assez hétéroclites : dans l’Orestie, τεῦχος désigne successivement une urne funéraire, la baignoire dans laquelle Agamemnon est immolé, un vase servant aux libations d’Électre et enfin des urnes de vote6. Chez Sophocle, ἄγγος désigne l’urne funéraire fictive employée par ruse par Oreste (Él., 1118, 1205) ou encore le coffret au creux duquel Déjanire cache la tunique enduite de poison (Trach., 622). Dans l’Ion d’Euripide, ἄγγος est employé au sujet de la corbeille contenant les objets de reconnaissance (Ion, 1337, 1398), dans l’Électre, au sujet du vase que cette dernière utilise pour puiser de l’eau ; dans l’Iphigénie en Tauride, les vases à boire que les Athéniens utilisent lors de la fête des Choës en l’honneur d’Oreste sont désignés par le même terme. Le caractère général de ces substantifs peut se justifier par le registre soutenu de la langue tragique, qui s’interdit le plus souvent toute référence aux réalités trop prosaïques du quotidien. Si les spectateurs avaient la possibilité de voir d’emblée quel était le type de récipient employé sur la scène de théâtre, nous sommes aujourd’hui privés de cette appréhension visuelle de l’objet. La seule appréhension textuelle des vases de la tragédie ne permet pas de conférer une forme a priori aux accessoires utilisés sur la scène pour les représenter ; en revanche, l’identification des usages auxquels ils sont soumis permet de proposer de façon plausible l’utilisation d’un type particulier de récipient plutôt qu’un autre.

Hydries, oinochoés, phiales : ces objets ont pour caractéristique de permettre un ancrage immédiat dans le domestique et le cultuel – ils portent déjà en eux des définitions du rôle de la femme dans la société grecque. Leur manipulation est de surcroît presque exclusivement réservée aux femmes dans la tragédie7. Or, si l’approvisionnement en eau était une tâche dévolue aux femmes, responsables de l’oikos, les libations aux dieux et aux morts ne l’étaient en rien. Dans les tragédies conservées, aucun personnage masculin n’est pourtant représenté dans l’acte libatoire ; le héros tragique se distingue en cela du héros épique, que l’on voit chez Homère régulièrement initier offrandes et libations8. Un exemple aurait pu démentir ce constat général : dans l’Œdipe à Colone de Sophocle, le chœur conseille au héros de verser des libations aux Euménides, pour expier la faute commise en pénétrant dans leur bois sacré9. Mais comme si aucun homme ne pouvait s’acquitter de ces rites sur la scène tragique, Œdipe envoie sa fille Ismène accomplir ces libations à sa place.

La manipulation de vases sur la scène tragique semble donc être intimement liée à un statut, à des fonctions, et à un destin, précisément féminins, que nous tenterons ici d’éclairer. Ce faisant, les poètes tragiques se sont appuyés, semble-t-il, sur un réseau serré d’associations mythiques et symboliques préexistantes, attachant ce type d’objets à l’identité féminine. Rappelons-le, dans le mythe, le rituel et les croyances populaires, les ustensiles contenants – vases, mais aussi corbeilles, boîtes, coffres – relèvent du monde féminin10. Le mythe fournit une figure tutélaire, qui n’est autre que la première femme façonnée par les dieux : Pandore, dont la célèbre « boîte » est dans le texte d’Hésiode une jarre (pithos11), faite d’une argile et d’une duplicité identiques à celle de la femme à laquelle elle est associée. La jarre contient les maux et les faiblesses qui accableront les hommes ; la beauté de Pandore cache des vices inexpiables, un ventre jamais rassasié, qui épuisent leur force et leurs richesses12. Le supplice des Danaïdes, qui consiste à remplir éternellement des jarres percées, est un autre mythe qui associe implicitement le corps non fécond de la femme (les Danaïdes refusent le mariage) et l’objet contenant défaillant13. Le symbole perdure à travers les siècles et imprègne la pensée collective : dans l’Économique de Xénophon, la femme mauvaise gestionnaire de l’oikos est comparée à une jarre sans fond14.

Le rituel religieux semble entériner la même association, sans connotation négative cependant. Un chant du chœur de la Lysistrata d’Aristophane en témoigne : dès leur jeune âge, les petites filles portent dans les rites initiatiques des objets qui les représentent15 ; à sept ans, en tant qu’arrèphoroi, elles s’exhibent avec des corbeilles (kistai), dont le contenu était secret, mais probablement en lien avec la sexualité féminine et la maternité16 ; jeunes filles, on leur confie en tant que kanèphoroi les paniers, contenant persil et couteau sacré servant au sacrifice, qu’elles portent sur la tête en procession. À Athènes, filles et femmes tiennent également une place cruciale dans le festival des Hydrophories, où elles déversent des vases remplis d’eau dans une crevasse qui aurait absorbé dans les temps anciens l’eau du déluge de Deucalion17.

L’imaginaire mythique et la pratique cultuelle sont donc un terreau favorable à l’association entre femmes et contenants : ils ne sont peut-être pas non plus sans influencer le discours gynécologique relayé par les écrits du corpus hippocratique au Ve siècle av. J.-C. La femme est considérée comme un corps contenant, empli de liquides surabondants – sang menstruel, lait, liquide séminal – destinés à la conception et à l’alimentation de l’enfant qu’il sera amené à contenir dans sa matrice18. Dans ce contexte, les substantifs relevés dans le corpus tragique adoptent de nouvelles significations très suggestives : τεῦχος est employé pour désigner le corps, contenant des organes, et ἄγγος renvoie au ventre maternel19.

Par leur généalogie mythique, leurs fonctions, leurs courbes et leurs formes girondes, vases et femmes entretiennent donc des correspondances, qui sont également attestées par la céramique conservée : des vases d’époque archaïque et classique, adoptent la forme du visage ou du corps féminin ; d’autres donnent encore fréquemment à voir sur les peintures qu’ils arborent, des femmes hydrophores et choéphores, mettant ainsi en abîme leurs fonctions et leurs destinataires privilégiées20.

Le théâtre tragique est ancré dans ce contexte socio-culturel qu’il contribue en même temps à façonner. Nous examinerons la manière dont les dramaturges jouent avec les codes qui leur préexistent, pour faire du vase un attribut caractéristique du personnage féminin, qui permet de l’incarner et de le construire parfois au même titre que son nom, sa lignée ou encore ses dispositions morales. Dans un dialogue avec le mythe, l’épopée, les conventions iconographiques qui lui sont antérieures ou contemporaines, le théâtre tragique propose dans l’usage multiple qu’il fait du vase sur la scène des histoires du féminin.

Le vase nourricier

Dans cette partie, nous montrerons que l’usage du vase de libations est à l’impulsion de scènes où les femmes, par un pouvoir quasi-magique, redonnent vie aux morts dans le cadre d’un culte héroïque21. Les objets et leurs contenus sont utilisés comme intermédiaires de leur relation avec eux et comme agents de leur renaissance, réelle ou métaphorique. La femme au vase est donc, dans un premier cas, définie comme une figure nourricière et maternelle, et le rituel religieux pouvait bien être le lieu d’une interrogation sur le mystérieux pouvoir des femmes à donner la vie22. Dans ces circonstances, le vase est l’accessoire scénique qui, par métonymie, matérialise leur condition de « corps contenants ».

La Reine des Perses d’Eschyle

Ayant appris la débâcle de l’armée à Salamine, et désireuse de chasser un rêve néfaste pour son fils, la Reine offre sur le tombeau de Darios des libations apaisantes :

τοιγὰρ κέλευθον τήνδ᾽ ἄνευ τ᾽ ὀχημάτων
χλιδῆς τε τῆς πάροιθεν ἐκ δόμων πάλιν
ἔστειλα, παιδὸς πατρὶ πρευμενεῖς χοάς
φέρουσ᾽ ἅπερ νεκροῖσι μειλικτήρια,
βοός τ’ ἀφ’ ἁγνῆς λευκὸν εὔποτον γάλα
τῆς τ’ ἀνθεμουργοῦ στάγμα, παμφαὲς μέλι,
λιβάσιν ὑδρηλαῖς παρθένου πηγῆς μέτα
ἀκήρατόν τε μητρὸς ἀγρίας ἄπο
ποτόν, παλαιᾶς ἀμπέλου γάνος τόδε,
τῆς τ’ αἰὲν ἐν φύλλοισι θαλλούσης βίον
ξανθῆς ἐλαίας καρπὸς εὐώδης πάρα,
ἄνθη τε πλεκτά, παμφόρου γαίας τέκνα.

C’est pourquoi ce chemin, c’est sans char
et sans mon luxe d’autrefois que je l’emprunte
au retour du palais,
portant ces libations apaisantes pour le père de mon fils,
offrandes expiatoires des morts :
le doux lait blanc d’une vache au cou vierge du joug,
le liquide coulant que l’ouvrière des fleurs, produit, le miel brillant,
avec l’eau qui s’épanche d’une source vierge,
et née d’une mère sauvage,
cette boisson pure d’une vigne ancienne, à l’éclat riant ;
de l’olivier blond, dont les feuilles témoignent de la vitalité,
le fruit parfumé,
ainsi que des fleurs en couronnes, enfants de la terre fertile (607-618)23.

La Reine attire l’attention sur son état et son apparence : elle a renoncé au luxe passé pour endosser une tenue discrète ; elle vient de surcroît à pieds, sans char ni escorte, affichant une humilité nouvelle face au revers subi. Cette indication suggère qu’elle puisse être seule, ou peut-être accompagnée d’un petit nombre de servantes, portant les vases nécessaires aux libations, ainsi que des corbeilles funéraires, comme on peut le voir sur des peintures, représentant le même acte rituel24. La cérémonie prend place dans l’intimité des liens matrimoniaux entre la femme et l’époux disparu ; quelle que soit la mise en scène envisagée, l’acte décrit par le texte tragique implique l’investissement personnel de la Reine, qui prend elle-même en mains les vases, pour procéder aux libations : « il est honteux de s’en remettre à des esclaves » (106), affirme l’Hélène dans l’Oreste d’Euripide, quand le rituel consiste à prolonger, après la mort, les liens d’alliance et de parenté.

Eschyle ne mentionne pas nommément les objets utilisés comme contenants de ces libations ; leur appréhension par les spectateurs était ici seulement visuelle. En revanche, le poète donne une description particulièrement précise et foisonnante de leur contenu : à l’eau d’une source pure, la Reine ajoute le lait, le miel, le vin et joint des offrandes solides, olives et guirlandes de fleurs. Ces derniers éléments s’écartent de la pratique décrite dans d’autres témoignages littéraires : les libations de la Reine reprennent des éléments traditionnels, présents notamment dans les libations effectuées par Ulysse lors de l’épisode de la nekyia25, mais en accentuent certaines caractéristiques. La comparaison avec l’Odyssée est éloquente, en ce qu’elle montre l’ampleur poétique de la parole de la Reine, qui se plaît à évoquer une vie agreste heureuse et féconde. Les offrandes proviennent d’une nature sauvage, qui fournit ses richesses d’elle-même, sans travail : la Reine célèbre la terre fertile de son pays, la glèbe féconde de l’Asie, qui procure en abondance tout ce dont l’homme peut avoir besoin. La multiplicité des références à des figures maternelles d’opulence est remarquable : les contenus des vases, les fleurs et les fruits, sont les rejetons (τέκνα) d’une mère nature généreuse (παμφόρου γαίας, 618). Les animaux et les éléments naturels évoqués sont exclusivement féminins et caractérisés par la fécondité et la pureté : la vache est libre de tout joug humain (ἁγνῆς, « non souillée » 611), le miel est produit par l’abeille ouvrière ; la source est assimilée à une vierge (παρθένου, 613), et le vin pur (ἀκέρατον, 614), coule d’une « mère sauvage » (μητρὸς ἀγρίας, 614), comme si l’être humain ne prenait aucune part à l’élaboration de ces produits de la nature. Vache, abeille, source, vigne et végétaux semblent avoir conçu d’eux-mêmes, quasiment par parthénogénèse, lait, miel, eau, raisin, fleurs et fruits, comme des enfants emplis d’une vie nouvelle et éclatante. Cette vie qui ruisselle en flots féconds est à son tour versée par la Reine sur le tombeau de Darios, pour le ramener momentanément dans le monde des vivants.

Cette parole poétique particulièrement développée a intrigué les commentateurs. Elle est sans équivalent dans les scènes comparables des tragédies conservées, et n’a pas à proprement parler de fonction rituelle. Si des explications psychologiques ont pu être données, elles n’éclairent pas réellement le soin mis par la Reine à nommer les offrandes consacrées26. Les indices textuels que nous avons repérés suggèrent selon nous la caractérisation du personnage comme figure nourricière, qui insuffle la vie à un mort, à l’aide des vases de libations qu’elle manipule, et dont elle accroît le pouvoir en redoublant l’acte de la parole.

Dans la société grecque, les femmes étaient responsables des rites funéraires : laver le corps, le parer, mais aussi rendre visite au mort sur son tombeau, pour entretenir la mémoire des liens familiaux27. En effet, leur capacité à donner la vie était perçue comme un lien également privilégié avec la mort : de même qu’elles conçoivent des vies nouvelles, les femmes accompagnent ceux qui sont arrivés à son terme. Dans l’épopée, le rôle des mères, Hécube ou encore Thétis, est de rappeler à leurs fils leur mortalité : comme l’écrit Ellen D. Reeder, le don de la vie était considéré simultanément comme un don de mort28. Eschyle semble jouer sur ces schémas de pensée collective, en faisant des libations versées sur le tombeau du mort un don de vie, non plus symbolique mais réel, à l’intérieur de la fiction théâtrale. Si le discours de la Reine assimile, avec une telle insistance, les liquides contenus dans les vases à des boissons de vie, c’est qu’elle souhaite communiquer au mort leur vitalité : le nourrir de la force de ces rejetons de la nature, pour le ressusciter, en être nouveau investi d’une vie nouvelle. Dans cette opération, les liquides purs, primordiaux, tiennent une place particulière : les fleurs et les fruits demeureront sur le tertre du tombeau, tandis que les liquides seront bus par la terre (γαπότους τιμὰς, 621-622), et l’imprègneront jusqu’à atteindre le monde d’en bas. Ce qui nous semble corroborer cette lecture est que, la magie du théâtre opérant, les croyances qui fondent le rituel, selon lesquelles le mort peut être atteint par les prières et nourri par les libations qu’on lui adresse, sont réalisées dans l’orchestra du théâtre de Dionysos : apparaissant en fantôme sur le faîte du tombeau (641-842), le roi Darius connaît une forme de renaissance – scène spectaculaire qui a marqué les esprits, comme en témoigne l’appréciation enthousiaste qu’Aristophane place dans la bouche de Dionysos dans les Grenouilles (1028-1029).

Bien que les vases servant à ces libations ne soient pas nommés – leurs contenus seuls concentrent toute l’attention –, Eschyle articule donc la manipulation des vases à un discours qui lui donne sens : par l’intermédiaire du vase, corps creux empli de liquides nourriciers, la Reine redonne vie à Darios, pour quelques instants au moins. Le vase et son contenu sont comme des « extensions » du personnage féminin, qui extériorisent et rendent visible sa fonction nourricière et vitale.

Une Électre maternelle ?

Les mêmes ressorts dramatiques et visuels nous semblent être à l’œuvre dans la scène des libations des Choéphores d’Eschyle, qui présente de nombreuses similitudes avec celle des Perses29. Électre entre en scène suivie du chœur formé par un cortège de suivantes, marchant en procession jusqu’au tombeau d’Agamemnon. La dimension funèbre est immédiatement signifiée par des indices matériels aux spectateurs, dont Oreste, témoin caché près du tombeau, relaie le regard : les femmes sont couvertes de voiles noires, et portent des libations (χοὰς φερούσας, 11-15). Ici aussi, avec le terme χοάς, l’accent est placé sur la fonction rituelle des vases, plutôt que sur l’objet en lui-même ; il n’en demeure pas moins que cette fonction est à l’impulsion du chant de parodos : associées au deuil d’Électre et hostiles aux crimes de Clytemnestre, les servantes dénoncent les libations comme impures – χάριν ἀχάριτον, un « hommage qui n’est pas un hommage » (43) envoyé à Agamemnon par une épouse impie. Le chant développe le thème du sang répandu impossible à laver : bu par la terre, il ne saurait être racheté par des libations, aussi abondantes soient-elle (46, 66-67, 71-74.). La parole joue donc un rôle correcteur par rapport au spectacle visible : l’apparence sacrée du cortège est dénoncée comme illusoire, les vases portés sont en réalité emplis d’une eau impure qui ne lavera en rien la souillure des Atrides.

Le chant de parodos prépare l’intervention d’Électre, entièrement motivée par deux questions relatives à la manipulation du vase : que dire, pour respecter l’euphemia de rigueur lors du rite, et que faire avec ce vase entre les mains ? À ce moment-là, c’est bien la manipulation de cet objet qui pose problème ; la présence de l’objet est accrue, du fait qu’il soit cette fois nommé (τεῦχος, 99) et non pas seulement présent à travers l’énonciation de son contenu. Électre éprouve cependant des difficultés à définir son rôle, et à concevoir une façon pieuse de l’utiliser :

ἢ σῖγ᾽ ἀτίμως, ὥσπερ οὖν ἀπώλετο
πατήρ, τάδ᾽ ἐκχέασα, γάποτον χύσιν,
στείχω καθάρμαθ᾽ ὥς τις ἐκπέμψας πάλιν
δικοῦσα τεῦχος ἀστρόφοισιν ὄμμασιν ;

Dois-je me taire indignement, comme est mort
mon père, en versant cette libation dont la terre s’abreuve,
et rentrerais-je après avoir lancé cette urne,
comme on jette au loin des restes impurs, les yeux détournés ? (96-99).

Le pronom déictique (τάδʹ, v. 97) semble indiquer qu’elle désigne le vase de libations comme une réalité visible, qu’elle tient sans doute dans ses mains, pendant toute la durée de cet échange. Elle mentionne les gestes rituels qui doivent être normalement accomplis : verser le liquide sur la terre, puis jeter le vase, chargé des souillures qu’il a lavées. Telle est en effet la définition du mot καθάρματα (v. 98) : tout objet ou ustensile ayant servi à un usage religieux et qu’on purifie en le jetant, pour éloigner la pollution qu’il a symboliquement recueillie30. La comparaison à laquelle Électre recourt ne correspond toutefois pas complètement à la situation : le décalage est marqué par l’utilisation du comparant ὥς τις (« comme quelqu’un », v. 98) qui rapproche les deux termes de la comparaison, tout en marquant leur distance. Le vase n’est pas un objet rituel contaminé par la souillure une fois le rituel exécuté : avant même d’avoir accompli son office, il contient déjà une eau impure, mêlée de sang, offerte par les mains du bourreau à sa victime. Le vase ne satisfait pas à la définition des katharmata, contaminés par la souillure une fois le rituel exécuté : il contient déjà, avant même d’avoir accompli son office, une eau impure, mêlée de sang, offerte des mains du bourreau à sa victime.

À cette situation anormale, Électre trouve une solution anormale : elle transforme la fonction de la libation, en en faisant un hommage rendu au mort, en son nom propre et en celui d’Oreste, pour qu’il fasse apparaître un dieu ou mortel qui punisse ses meurtriers (τιμάορον, 145). La suite de l’action n’est pas très éloignée de celle des Perses : Eschyle a pu vouloir renouveler en 458 le succès connu en 472, tout en introduisant des variations significatives. En effet, Agamemnon n’est pas lui-même ramené à la vie, mais les libations sont immédiatement suivies de la découverte d’une boucle de cheveux31, comparée à une petite graine (σμικροῦ σπέρματος, 204), porteuse d’espoir, qui trahit l’arrivée du rejeton d’Agamemnon, Oreste. Agamemnon renaît donc dans son fils, qu’Électre salue plus avant comme le rejeton sauveur de son père (ἐλπὶς σπέρματος σωτηρίου, 236) ; célébré comme le fils tant attendu, Oreste apparaît pour prolonger la vie d’Agamemnon et venger sa mort.

Dans cette scène, l’usage du vase de libations a donc de nouveau pour effet une forme de renaissance. À la différence de la Reine des Perses, Électre n’est pourtant pas une figure maternelle : elle occupe au contraire la position anormale d’une fille en âge d’être mariée mais dépourvue d’époux, chassée de son foyer (447, 486-488). Dans l’acte libatoire, elle se définit toutefois comme femme donneuse de vie et le vase qu’elle tient dans ses mains, et dont elle définit elle-même la signification et la fonction, la donne à voir comme telle. Le poète suggère d’abord ainsi la force des rapports familiaux qui l’unissent à la fois au père et au frère ; de plus, il l’oppose ainsi à Clytemnestre, épouse meurtrière et mère indigne, qui a vendu ses enfants et dissipé le patrimoine amassé par le père (130-137).

Parcourue par le motif de la graine et du rejeton (σπέρμα), cette scène porte justement en germe la scène de reconnaissance entre Électre et Oreste, telle que Sophocle l’a représentée dans son Électre, sur un point qui n’a pas été sufisamment remarqué. Sophocle semble en effet s’être souvenu de la caractérisation d’Électre comme figure nourricière et mère de substitution d’Oreste, en faisant d’elle une deuxième mère pour ce dernier. C’est elle qui l’a nourri et élevé dans son jeune âge (τροφός, 1147) et qui l’a sauvé de la mort en l’envoyant à l’étranger (296-297, 1133) ; elle fait référence aux soins prodigués à son frère cadet en utilisant le terme πόνος (πόνῳ γλυκεῖ, 1145), qui évoque régulièrement dans la tragédie les douleurs de l’enfantement ou les peines que les mères prennent à élever leurs enfants32. À la nouvelle mensongère de la mort d’Oreste, Électre pleure donc son frère comme un enfant perdu.

La parenté entre les deux scènes de reconnaissance est alors suggérée par une réminiscence visuelle33 : Sophocle emploie le même objet qu’Eschyle, le vase, comme support de jeu, véhicule d’émotions intenses et catalyseur des sentiments quasi maternels qu’Électre éprouve à l’égard de son frère Oreste. Sans révéler son identité, Oreste apporte en effet sur la scène un vase funéraire (βραχὺς τεῦχος, 1113-1114), qui contient prétendûment ses propres cendres – stratagème ourdi afin d’entrer au palais et d’y assassiner Clytemnestre. Le substantif employé pour désigner le vase est le même que chez Eschyle ; de fait, le même objet pouvait être utilisé concrètement dans les deux scènes : une hydrie, à savoir un vase à eau, n’était pas un contenant inapproprié pour les cendres des morts34.

En effet, en tant qu’auxiliaire des libations, le vase d’où s’écoule le liquide nourricier participe à la revigoration du mort ; il n’en reste pas moins qu’il demeure un objet associé aux rites des morts, comme en témoignent d’ailleurs d’autres pratiques connues : les restes ou les cendres des morts étaient conservés dans des hydries, comme en des ventres où il retournaient pour l’éternité35. Dans l’Odyssée, il est dit que Thétis fournit une amphore d’or36, présent de Dionysos, pour y faire reposer les os d’Achille et de Patrocle37. D’ailleurs, une peinture qui s’inspire très vraisemblablement de la scène de Sophocle le montre clairement38 : Oreste tend à Électre l’urne, représentée sous forme d’une hydrie (de forme kalpis) ; l’objet matériel est le même, que l’on s’en serve pour puiser de l’eau ou contenir des cendres.

Ce vase funéraire représenté sur la scène est un piège imaginé par Oreste dans son plan de vengeance ; seulement, une fois dans les bras d’Électre, l’objet provoque des effets inattendus : l’héroïne s’en saisit comme du corps de son frère, du corps de l’enfant qu’il était quand elle l’a vue pour la dernière fois39. Sa lecture de l’objet, éminemment pathétique, est également métaphysique : elle est méditation douloureuse sur la vacuité d’une vie humaine, dont les restes tiennent tout entier dans un petit objet ordinaire (1142, 1159, 1166). L’émotion qu’elle suscite est si intense qu’elle balaie le stratagème d’Oreste, qui, chez Sophocle, n’a pas inscrit à son plan de campagne les retrouvailles avec sa sœur : Oreste dévoile la ruse employée, arrache l’urne à Électre, et lui révèle son identité (1205-1223). Électre et son vase sont donc de nouveau à l’impulsion de la scène de reconnaissance, qui est ici aussi une renaissance. Comme dans les Perses et les Choéphores d’Eschyle, le vase de mort devient vase de vie, alors même que son contenu, sa destination, son histoire, ont changé. La richesse et la fluidité des significations symboliques qui se projettent successivement sur le vase funéraire d’Électre ont déjà été démontrées40 : tombeau, corps et tête du frère aimé, symbole de l’inconsistance de la vie humaine, le vase est peut-être aussi le symbole visible et tangible du ventre d’Électre, vierge non mariée, qui est pourtant mise en scène comme une figure nourricière et maternelle de substitution pour Oreste.

Le vase brisé : le cas des vierges agamoi

L’usage du vase dans la fiction dramatique, à l’intérieur de l’espace visible de la scène ou en dehors, concerne une autre catégorie de femmes et précipite un autre type d’action – nous retrouverons néanmoins le personnage d’Électre, femme au vase la plus marquante des tragédies conservées. Accomplir des libations, ou s’approvisionner en eau à la fontaine, entraîne un déplacement géographique, depuis l’espace de l’oikos ou de la cité jusqu’à un espace extérieur : une source, un tombeau, un bois sacré, un rivage marin. Cet éloignement physique du personnage féminin hors de l’espace de l’oἶκος est l’occasion d’une rencontre avec l’ailleurs et avec l’étranger, potentiellement dangereuse.

Cette séquence narrative est bien représentée dans les mythes. L’embuscade d’Achille, surprenant Polyxène et Troïlos à la fontaine, où l’une puise de l’eau et l’autre abreuve son cheval, est un thème largement attesté sur les peintures de vases à figures noires. Celles-ci donnent à voir la chute de l’hydrie, parfois brisée en deux à terre, alors que Polyxène et son frère tentent de s’enfuir, scène initiale qui scelle leur destin tragique41. Dans le cas d’Amymone et de Poséidon, cette séquence connaît un dénouement plus heureux – sujet qui avait fourni à Eschyle un drame satyrique concluant la trilogie des Danaïdes42. Danaos envoie sa fille chercher de l’eau alors qu’Argos souffre de sécheresse. Surprise par un satyre qui cherche à la prendre de force, Amymone invoque à son secours le dieu Poséidon ; il survient et chasse le satyre, mais ne montre pas un désir moins brûlant de posséder la jeune fille. Le dieu fait surgir de son trident une source, image du liquide séminal dont il emplira le corps d’Amymone, avant de l’épouser43. Sur les vases archaïques qui traitent de ces mythes, l’hydrie tombée à terre semble être devenue un symbole de l’agression féminine, conventionnellement représenté même quand il n’est pas question de scènes à la fontaine : par exemple, sur une hydrie attribuée à Polygnote, Thétis est poursuivie par Pelée, et une hydrie gît à terre sous les pieds de ce dernier. Cet élément iconographique n’a a priori pas grand chose à voir avec le combat entre Thétis et Pelée et il n’apparaît pas ailleurs dans les autres représentations vasculaires conservées de ce mythe44.

Qu’il y ait ou non influence de la céramique, on retrouve dans la tragédie cette séquence narrative : la source, le sanctuaire, le rivage, où se rendent les femmes sont représentés comme des lieux de rencontres, parfois amicales45, mais le plus souvent hostiles. Nous nous intéresserons précisément à quelques cas de parthenoi illustres, Électre, Chrysothémis, Ismène et Hermione : le départ de ces jeunes filles au vase vers un espace extérieur, tombeau ou source, donne inévitablement lieu à une confrontation inattendue à un personnage masculin, parfois à une poursuite, un enlèvement.

Électre en premier lieu : dans les scènes qui traitent de la reconnaissance d’Électre et d’Oreste, les retrouvailles du frère et de la sœur sont chaque fois précédées par un moment de tension et d’affrontement. La jeune femme perçoit l’apparition de l’homme, en qui elle ne reconnaît pas d’emblée son frère, comme une agression. Dans les Choéphores, quand Oreste surgit, Électre croit tomber dans un piège (δόλον τινʹ, 220) tendu par un étranger. Dans l’Électre d’Euripide, la jeune femme revient de la fontaine, son hydrie emplie d’eau (τόδʹἄγγος, 55 ; τόδε τεῦχος, 140)46 ; l’apparition soudaine d’Oreste et Pylade lui fait prendre la fuite :

Électre : - « Des étrangers, près de la maison, qui
étaient couchés là se lèvent de leur embuscade !
Toi, fuis par le chemin, et moi vers ma demeure.
Échappons par notre course à ces êtres malfaisants !
Oreste : - Reste, malheureuse ; ne crains pas mon bras.
Électre : - Ô Phoibos Apollon, je t’implore, que je ne meure pas !
Oreste : - Je ne te tuerais pas, toi, mais d’autres, qui ont ma haine.
Électre : - Va-t-en ! Ne touche pas qui tu ne dois pas toucher !... » (215-223).

Ce dialogue indique un mouvement de dispersion d’Électre et des jeunes filles, au moment où les deux hommes paraissent : ceux-ci tentent de les retenir, et y parviennent, puisqu’ Électre leur défend de la toucher (ψαύειν) avant de céder devant leur force physique (227). Ψαύειν est le verbe utilisé par Déjanire, dans les Trachiniennes, quand elle décrit les attouchements coupables que commet le centaure Nessos sur elle (565). Ici, encore, avant de prendre une tournure heureuse, la rencontre du parent est vécue comme un contact brutal avec l’étranger susceptible d’attenter à la pudeur de la vierge.

Ce schéma dramatique est repris allusivement ou rejoué par Chrysothémis, Ismène et Hermione. Dans l’Électre de Sophocle, cette séquence est en effet esquissée, sous-entendue, mais non réalisée. Dans cette pièce, ce n’est pas Électre, mais sa sœur Chrysothémis qui apporte sur le tombeau de son père les libations de Clytemnestre (χοάς, 406 ; λουτρά, 434). Électre la détourne toutefois de ce projet, et substitue aux vases de libation impurs des boucles de cheveux suppliantes, ainsi que sa pauvre ceinture (451-452). La ceinture a évidemment une connotation sexuelle sous-jacente : c’est en dénouant sa ceinture que la femme se donne à l’époux47. La substitution de cet objet, qui partage avec le vase des associations érotiques, semble cependant sauver Chrysothémis du guet-apens qui attend les vierges au vase. Elle ne rencontre personne sur le tombeau d’Agamemnon, mais constate la présence d’offrandes inattendues : du lait répandu sur le tertre, des fleurs, et une boucle de cheveux (892-904). Le soupçon d’une embuscade la point :

Voyant cela, je suis prise d’étonnement ; je regarde tout autour de moi,
pour m’assurer qu’aucun mortel, tout près, ne se jette sur moi (897-898).

Le personnage témoigne donc lui-même du danger qui semble toujours guetter potentiellement les jeunes filles, qu’une libation ou une corvée d’eau envoie au loin de la maison. Il est notable que ce risque demeure à l’état de potentialité latente, quand la jeune fille en question, Chrysothémis, s’est auparavant délestée de son vase libatoire.

Cette menace d’agression potentielle est néanmoins réalisée dans le cas d’Ismène, dans l’Œdipe à Colone de Sophocle. La fille d’Œdipe est en effet envoyée, à la place de ce dernier (497), accomplir des libations et des offrandes en l’honneur des Euménides dans l’espace extérieur et secret du bois sacré. La description de ces libations est faite par anticipation par le chœur, qui instruit très précisément Œdipe de la manière dont il faut procéder : le fidèle aux mains pures (ὁσίων χειρῶν, 470) doit puiser lui-même de l’eau d’une source vive pour ces libations (χοάς, 469) ; il fera usage de trois récipients précis pour verser ces libations (τοῖσδε κρωσσοῖς οἷς λέγεις) – Sophocle emploie à cette occasion le terme κρωσσός, « pot à eau », utilisé exclusivement dans la langue lyrique, le plus souvent au pluriel poétique48. Ismène se charge de cette tâche, pour épargner à son père de pénibles efforts : sa sortie de scène est donc motivée dramatiquement mais également rendue nécessaire par une contrainte dramaturgique – l’entrée en scène de Thésée dans l’épisode suivant nécessitait la sortie de l’acteur jouant Ismène, en vertu de l’application de la règle des trois acteurs. Néanmoins, on constate que cette sortie de scène permet d’enclencher, à un troisième niveau, la séquence narrative identifiée : sitôt qu’elle se retrouve seule dans le bois sacré des Euménides, occupée à ses libations, Ismène est enlevée par Créon et ses hommes (818-8121).

Hermione enfin subit un sort comparable dans l’Oreste d’Euripide : envoyée par sa mère, Hélène, porter des libations (χοὰς τάσδʹ, 113)49 sur la tombe de Clytemnestre, la jeune fille sort de scène avec en mains les vases et les cheveux (κόμας, 113) qu’Hélène lui a confiés comme offrandes. Cette dernière lui recommande de revenir au plus vite, une fois les libations accomplies, comme si le risque d’une rencontre dangereuse était toujours à craindre (125). De fait, condamnés à mort par les citoyens d’Argos pour le meurtre de Clytemnestre, Électre, Oreste et Pylade décident de prendre en otage Hermione pour s’assurer ainsi un moyen de fuir (1187-1189).

Vase et dramatisation tragique du mariage

La tragédie n’ignore donc pas le potentiel dramatique offert par un objet, le vase, mis dans les mains d’une vierge, pour accomplir une tâche religieuse et domestique qui la conduit à pénétrer dans un espace extérieur. L’objet n’a-t-il cependant qu’une fonction dramatique ? Ne dit-il pas également quelque chose de la condition de ces numphai, jeunes filles en âge d’être mariées, dont le vase est « à prendre » ? Les Tragiques pourraient bien emprunter à la peinture ses codes iconographiques, pour associer à la mise en scène des jeunes filles un attribut qui permet d’identifier immédiatement leur statut.

En effet, dans la tragédie, comme sur les vases archaïques, cette séquence visuelle et narrative concerne une catégorie spécifique : celle des jeunes filles pubères non mariées, vulnérables, car dans un état intermédiaire entre l’enfance et l’âge adulte, et de ce fait encore en marge de la société. C’est d’ailleurs toujours des parthenoi qui sont sur le point de se marier que les dieux s’éprennent50 – Tyro, Créuse, Io, Amymone et bien d’autres encore qui subissent les assauts irrésistibles des dieux.

Dans une étude des vases à figures noires qui ont abondamment développé le thème des femmes à la fontaine à partir de la deuxième moitié du VIe siècle av. J.-C., I. Manfrini fait une lecture symbolique de cette séquence : sur ces vases, écrit-elle, « les images donnent à voir un espace ambigu, à la fois sauvage, la source et construit par la main de l’homme, la fontaine [...]. Un espace ambigu parce que ni tout à fait à l’extérieur, ni tout à fait à l’intérieur, ambigu comme le statut des numphai, entre adolescentes et femmes adultes, pour lesquelles on allait chercher l’eau de la source à la veille de leur mariage »51. Sur les peintures, l’hydrie, toujours présente, parfois lâchée à terre dans la surprise de la rencontre, est un indice pictural accentuant les connotations sexuelles sous-jacentes : il est le symbole d’un corps érotisé, que l’agresseur potentiel menace de prendre, en l’emplissant de sa semence52.

Nous serions tentée de voir dans les agressions imaginées ou réellement subies par les jeunes filles au vase de la tragédie une transposition de cette convention picturale sur la scène, adaptée au propos de la tragédie : les jeunes filles surprises, le vase en mains, sur le tombeau ou à la source, sont caractérisées dans leur rapport problématique au mariage ; elles sont des vierges dont le mariage est compromis, ou qui sont sur le point de connaître des noces empreintes de violence53. Ismène, Électre, Hermione : toutes ont une histoire matrimoniale anormale, un destin conjugal mouvementé, le plus souvent avorté : leur vase brisé – image que les dramaturges ont peut-être pu faire advenir sur la scène – est le symbole d’un corps qui ne s’accomplira pas dans son rôle matriciel.

Dans Œdipe à Colone, Ismène partage avec Antigone le statut de parthenoi (445), gardiennes d’Œdipe qui le guident sur les chemins de l’exil (342-360, 445-447). Elles sont des vierges « sans expérience du mariage, proie[s] à saisir pour le premier venu »54, que leur naissance maudite et leur vie de vagabondage condamnent à l’isolement. En lui faisant subir cette agression, alors qu’elle se livre à des libations, Sophocle pouvait évoquer de surcroît un arrière-plan mythique dont nous avons gardé quelques traces : lors du siège de Thèbes, Ismène aurait été tuée par Tydée, alors qu’elle retrouvait son amant, un jeune Thébain, près d’une source, qui aurait par la suite pris son nom55.

Électre est quant à elle une figure de vierge agamos par excellence. Dans les Choéphores, elle projette le mariage pour le jour heureux de la vengeance, qui lui permettra de recouvrer le statut et la fortune qui rendront possible son accession au statut de femme adulte (486-487). Dans l’Électre d’Euripide, le poète conserve cette caractérisation, tout en renouvelant les motifs d’un destin conjugal perverti : Électre est d’abord dans son enfance promise à Castor, avant qu’il ne soit mis au rang des dieux (312-313). Plus tard, en âge d’être mariée, sa main est briguée par nombre de prétendants ; pour affaiblir l’éventuelle descendance d’Agamemnon, Égisthe les refuse tous et la contraint à prendre un époux de basse condition (19-42). Par noblesse d’âme, le paysan n’a cependant pas touché à sa virginité, ce qui fait d’Électre une figure oxymorique de vierge mariée ; s’il est fait mention de son mariage avec Pylade dans la prédiction des Dioscures qui apparaissent à l’issue du drame en dei ex machina56, son départ vers un avenir peut-être plus heureux est montré à l’ultime fin du drame comme une nouvelle douleur : le dénouement donne à voir son repentir et sa détresse, dans une séparation avec le frère et l’oikos de l’enfance vécue comme un exil et une forme de mort57.

On peut penser que la mise en scène d’Électre par Euripide est celle qui jouait le plus explicitement sur les réminiscences visuelles de l’iconographie vasculaire : portant son vase sur la tête (55, 68), l’héroïne tragique semble l’incarnation en chair et en os de ces femmes à la fontaine des vases à figures noires58 ; au moment où elle voit surgir les étrangers, elle ne tient plus son hydrie en mains : elle dit l’avoir déposée plus tôt à ses pieds pour pouvoir se livrer aux lamentations funèbres avec plus d’aisance (140-142) – Euripide prend soin d’inscrire cette indication scénique dans les propos mêmes du personnage. Si bien que le vase était potentiellement toujours visible auprès d’elle sur la scène, lorsqu’elle est surprise par son frère et tente de s’enfuir ; on peut faire l’hypothèse que se trouvait alors reproduite sur la scène l’image marquante du vase abandonné sur le sol par la jeune fille en détresse.

Enfin dans l’Oreste d’Euripide, le destin matrimonial d’Hermione connaît autant d’obstacles à sa réalisation que celui des numphai précédemment citées. Comme Électre, Hermione est promise à un homme qu’elle n’épousera pas, Néoptolème, fils d’Achille, tué à Delphes avant de connaître le mariage, selon la version présentée par Euripide dans ce drame (1654-1657). L’union avec Oreste, ordonnée par Apollon à la fin du drame, semble donc advenir comme une réparation. Toutefois, des zones d’ombre entachent ce mariage, qui ne semble devoir advenir que dans un hors-temps lointain, au-delà de la fin de la tragédie. Sous une forme violente et agressive, il a néanmoins lieu sous les yeux du spectateur. En faisant d’Oreste, agresseur qui s’est emparé d’Hermione comme une proie (1213) le futur époux de cette dernière, Euripide semble explicitement mettre en scène la violence qu’implique tout mariage. Comme dans le mythe d’Amymone et de Poséidon, la cour amoureuse est avant tout une poursuite armée : sur les vases, on peut voir le dieu sur les pas de la Danaïde, son trident en main, pressant parfois son arme sur le flanc de la jeune fille. Le geste fait référence à la source qu’il fait jaillir de terre d’un coup de trident lors de cet épisode ; mais l’arme est également un symbole de sa puissance sexuelle, en même temps que l’image de la violence exercée par l’homme à l’encontre de la femme dans le mariage. Or, que pouvait-on voir sur scène, à la fin de la pièce d’Euripide, d’après ce que le texte nous laisse imaginer ? Oreste maintenant sur le cou d’Hermione une épée (1575 ; 1608 ; 1654-1657), entourée de Pylade et d’Électre tenant en mains des torches, avec lesquelles ils menacent d’incendier le palais (1543-1544 ; 1597 ; 1618-1620). Les spectateurs ne pouvaient-ils pas reconnaître une vision très sombre d’un cortège de mariage, dans ces flambeaux tenus en l’air59, au-dessus d’un couple, dont l’union était représentée sous la forme tragique d’une épée dangereusement tendue vers une gorge de vierge ? La construction picturale de la scène a en tout cas été notée par les critiques60 et laisse présager d’un devenir matrimonial sombre et incertain.

C’est cette histoire, commune aux personnages féminins citées, mais donnant lieu à des variations, que semble contenir le vase des vierges agamoi de la tragédie. La récurrence de la séquence narrative que nous avons repérée ne semble pas accidentelle, mais permet de fonder l’hypothèse d’une association matérielle et symbolique étroite entre la jeune femme et le vase qu’elle tient dans ses bras ou sur sa tête. Le parallèle de l’iconographie des femmes à la fontaine semble avoir pu être, sur ce point, une référence visuelle essentielle dans l’élaboration d’une dramaturgie de l’objet signifiante. Le contexte culturel de la représentation tragique est également crucial : dans la pensée mythique, le supplice des Danaïdes, condamnées à remplir indéfiniment leurs jarres percées, en punition du meurtre de leurs époux, montre bien le rapport existant entre l’objet contenant défaillant et le corps non fécond de la femme61. Les vases des numphai de la tragédie sont des vases menacés, mis en danger, risquant d’être brisés, qui symbolisent un destin matrimonial défaillant.

Dans la tragédie, le vase peut donc être lu comme un signe matériel qui contient en germe des histoires du féminin. Objet employé de façon récurrente dans certaines configurations dramatiques et scéniques spécifiques, il n’apparaît pas, néanmoins, comme un accessoire conventionnel, vidé de son sens par la répétition et l’habitude. Loin d’être un objet creux, le vase tragique est intégré à la trame dramatique avec l’ensemble des associations et des récits dont l’ont empli les mythes, les pratiques religieuses, culturelles et artistiques, que la tragédie a probablement contribué à infléchir à son tour. La richesse symbolique de l’objet n’est sans doute pas le seul aspect qui ait encouragé les poètes à l’utiliser sur la scène : la multiplicité de ses usages et de ses contenus potentiels en font un objet malléable et polyvalent, un objet en mouvement donc, dont les significations ne sont jamais figées. Chez les Tragiques – mais peut-être plus généralement dans tout théâtre, quel qu’il soit – le potentiel théâtral d’un objet se mesure à l’aune de cette relative indétermination, qui rend possible transformation et manipulation sémantique. Le vase est dans la tragédie un creuset, que les poètes ont rempli d’un contenu sémantique, poétique, et identitaire cohérent, mais chaque fois renouvelé.

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Notes

1 Au sujet de la représentation des Danaïdes par Eschyle dans les Suppliantes, Zeitlin écrit par exemple (1986  : 136)  : «  feminine figures, as impersonated by male actors, take on life and movement, and are given a voice they may raise on their own behalf  ». Retour au texte

Je remercie vivement L. G. Canevaro, M. Telò, ainsi que les relecteurs anonymes d’Eugesta, pour les remarques enrichissantes et les précieux conseils qu’ils m’ont adressés pendant la rédaction de ce travail.

2 Dans les paragraphes consacrés aux costumes et accessoires tragiques, Pollux distingue les σκεῦαι («  équipements  » des personnages masculins et ceux des personnages féminins (Onomasticon, IV, 115-118). La partie consacrée aux femmes (§ 118) est beaucoup plus réduite et ne rend pas compte de la diversité que l’on peut constater en lisant les tragédies conservées  : Pollux ne recense que quatre types de vêtement de couleur variée, en fonction du statut et des dispositions morales du personnage. Retour au texte

3 À notre connaissance, une étude de la gestuelle des personnages féminins dans la tragédie, adoptant la perspective des Gender Studies, n’existe pas à ce jour. Dans le domaine particulier de la lamentation, les gestes féminins ont toutefois été étudiés de façon spécifique, voir Alexiou (1974)  ; Aubriot-Sévin (1992)  ; Pedrina (2001). Retour au texte

4 Cf. Blundell (1995 : 173) : «  In both tragedy and comedy, conflicts between male and female characters often form the focus of the action  ». Ces conflits prennent la forme de «  sexual role-reversals  » et de «  sexual boundary crossing  ». Retour au texte

5 Toutefois, Eschyle et Sophocle créèrent tous deux des drames intitulés ΥΔΡΟΦΟΡΟΙ (les Hydrophores), le titre indiquant probablement la fonction réalisée par le chœur sur la scène, comme c’est le cas pour les Choéphores d’Eschyle (Eschyle, ΣΕΜΕΛΗ Η ΥΔΡΟΦΟΡΟΙ, TrGF3 fr. 221-224 Radt  ; Sophocle, ΥΔΡΟΦΟΡΟΙ, TrGF4 fr. 672-674). Les fragments de ces deux pièces se réduisent malheureusement à quelques mots, et il est impossible d’en déduire le contenu de leurs intrigues, même si la pièce d’Eschyle portait le titre alternatif de Sémélè. Le nom Hydrophoroi semble néanmoins nous donner un indice sur l’activité caractérisant le chœur, et peut-être sur les objets scéniques avec lesquels le chœur était représenté. Retour au texte

6 Ag., 435, 1126-1130  ; Cho., 99  ; Ag., 815  ; Eum., 742. Retour au texte

7 Dans l’Él. de Sophocle, Oreste manipule une urne funéraire, mais Électre se l’approprie et déjoue la ruse de son frère, comme nous le verrons  ; Dans l’Ion, le personnage qui donne son nom à la pièce est investi de fonctions religieuses (il est gardien du temple de Delphes), et asperge d’eau pure le parvis du temple. Retour au texte

8 Dans l’épisode de la nekyia, Ulysse offre par exemple aux morts des libations d’eau, de lait mélangé de miel, de vin (Od., X, 418-420  ; XI, 26-28). Retour au texte

9 OC, 466-509. Retour au texte

10 Voir Lissarague 1995a  ; Reeder 1995. Retour au texte

11 Hésiode, Les Travaux et les Jours, 94. Retour au texte

12 Hésiode, Théogonie 591-599, Les Travaux et les Jours, 56-104, 373-375, 702-705. Voir Sissa (1987  : 176-177)  : elle présente une analyse convaincante d’une peinture sur vase représentant Pandore sous la forme d’une outre à tête de femme. Retour au texte

13 Voir Sissa (1987  : 185-187). Retour au texte

14 Xénophon, Oik., 7, 18-40. Retour au texte

15 Aristophane, Lys., 636-645. Retour au texte

16 Les organes sexuels féminins sont d’ailleurs appelés κίσται et κύσθος, «  corbeille  » chez Aristophane (Lys. 1184, Ach., 782).
Cf. Henderson (1991  : 130). Retour au texte

17 Cf. Burkert 1985  : sur les arrèphoroi, 228-229, 264  ; sur les kanèphoroi, 99  ; sur les hydrophories, 73. Retour au texte

18 Cf. Sissa (1987 : 189-190). Retour au texte

19 Hippocrate, Loc. hom., 1, 24, Epid. 6, 2, 1 ; Epid., 6, 5, 11 ; Aristote, Physiogn., 810b, 19. Retour au texte

20 Par exemple, vase adoptant la forme d’un visage féminin  : œnochoé datée de 500-490 av. J.-C., attribué à Charinos (Saint-Pétersbourg, musée de l’Hermitage, 2103)  ; aiguière avec seins de femme, datée autour de 1550 av. J.-C. (Musée archéologique d’Athènes, 877)  ; sur ce sujet, voir l’étude de Lissarague (1995b)  ; sur les scènes à la fontaine, voir Manfrini 1992. Retour au texte

21 Voir par exemple Henrichs (1993  : 165). Retour au texte

22 C’est ce «  pouvoir féminin sur la vie et la sexualité  » que symbolisent les graines et les jeunes pousses utilisées lors des Thesmophories, cf. Winckler (1990 : 189). Retour au texte

23 Les traductions sont de l’auteur, sauf indication contraire. Retour au texte

24 Par exemple, hydrie à scène funéraire attribuée à un élève du peintre des Niobides, datée de 460-450 av. J.-C. (Cambridge, Harvard University Art Museums, 1960.341) ; voir Reeder (1995 n.12, n°  52, 219-221). Retour au texte

25 Od., XI, 26-28  : «  Puis autour de la fosse, je verse la libation à tous les morts, d’abord de lait miellé, ensuite de vin doux, et d’eau pure en troisième  ; je répands sur le trou une blanche farine  ». Cf. Rudhardt (1958  : 246)  : «  pour évoquer son défunt époux, comme Ulysse pour attirer les morts et les revigorer le temps d’une consultation, Atossa utilise, en plus de l’eau, du miel et du lait, puis même du vin pur  ». Retour au texte

26 Voir par exemple, Podlecki (1970  : 77-78). Retour au texte

27 Cf. Alexiou (1974: 21-22); Blundell (1995: 162). Retour au texte

28 Reeder (1995, 195 n.12). Retour au texte

29 Voir Jouanna (1992  : 423-425). Retour au texte

30 Voir Parker (1983  : 36). Retour au texte

31 Ibid., v. 164-165  : «  Mon père a reçu les libations bues par la terre (gapotous choas), mais partagez maintenant ce nouveau récit  ». Le terme gapotos est le même que dans les Perses (v. 621), similitude que Jouanna (1992  : 423) considère comme d’autant plus significative que le terme n’apparaît nulle part ailleurs dans l’œuvre conservée d’Eschyle. Retour au texte

32 Voir Eschyle, Sup., v. 562-563  ; Ag., 54 ; Cariens, fr. 99 Radt  ; Euripide, Méd., 367  ; Ph., 30  ; Troy., 760, etc. Retour au texte

33 Voir Easterling (1997 :168-169) ; Chaston (2011 : 131 sq.) ; Miles (2013 : 193-194). Retour au texte

34 Voir Taplin (2007  : 97). Retour au texte

35 Voir Reeder (1995  : 196, 220-221). Retour au texte

36 Od., XXIV, 74 (χρύσεον ἀμφιφορῆα). Retour au texte

37 Od., XXIV, 73-79. Retour au texte

38 Voir Taplin (2007 : 96-97, n°  24)  : cratère lucanien, daté autour de 350, attribué au peintre de Sydney (Vienne, Kunsthistorishes Museum 689, SK 195, 69). Retour au texte

39 L’insistance est mise sur le contact physique étroit qu’Électre recherche avec l’objet, qu’elle prend au creux de ses bras (εἰς χεῖρας λαβεῖν, 1120  ; βαστάζω χεροῖν, 1129). Par métonymie, elle nomme l’objet κασίγνητον κάρα, «  tête de mon frère  » (1164). Retour au texte

40 Voir par exemple Chaston (2010  : 131-178). Retour au texte

41 Voir par exemple fragment d’hydrie à figures noires (Paris, Musée Louvre C 10561)  ; amphore à fond noir datée autour de 540 av. J.-C. (Londres, British Museum 1928.1-17.41), LIMC, p. 346, n°  9 (s.v. Polyxène)  ; hydrie à figures noires (Londres, British Museum 1899.7-21.4, ARV 297, 15), LIMC, p. 346, n°  15 (s.v. Polyxène). Retour au texte

42 Cf. TrGF3 fr. 13-15 Radt ; Apollodore, Bibl., II, 1, 4, 7. Retour au texte

43 Voir Apollodore, Bibliothèques, II, I, 4  ; Ovide, Art d’aimer, I, 13  ; Pausanias, Périégèse, II, 15, 4  ; Hygin, Fable, 169. Sur les vases représentant la scène, Amymone tient en mains son hydrie, ou la laisse tomber à terre, poursuivie par le dieu  : voir lécythe à figures rouges, daté autour de 475, peintre de Dresde (Zürich), LIMC, p. 744, n°  17 (s.v. Amymone)  ; cratère calyx à figures rouges, daté autour de 455-450, peintre d’Achille, (Saint-Pétersbourg, Musée de l’Hermitage, 1535, B 767), LIMC, p. 744, n°  18 (s.v. Amymone)  ; lécythe à figures rouges, daté autour de 430, peintre de la Phiale (New York, Metropolitan Museum of Art, n°  17.230.35), LIMC, p. 744, n°  21 (s.v. Amymone). Pour un exemple d’utilisation de ce schéma dramatique dans le genre historique, voir Hérodote, VI, 137  : les filles des Athéniens sont continuellement outragées par les Pélasges, alors qu’elles puisent de l’eau à une fontaine située près de l’Ilissos, ce qui précipite la guerre entre Athéniens et Pélasges  ; Histoires, VI, 61  : la fontaine est le lieu d’une rencontre avec Hélène divinisée, qui fait don de la beauté à une jeune fille spartiate, et lui permet ainsi de se marier. Retour au texte

44 Hydrie à figures rouges athénienne, attribuée à Polygnote, datée autour de 475-425 avant J.-C., Ferrara, Museo Nazionale di Spina, 3058 (LIMC, VII, 219, s.v. Pelops 3). Retour au texte

45 Voir Euripide, Hip., 121-134  : une source dont les eaux tombent en cascade près de Trézène est un lieu de sociabilité féminine. Retour au texte

46 Voir aussi Él., 108  : πηγαῖον ἄχθος ἐν κεκαρμένῳ κάρᾳ φέρουσαν, «  portant une charge d’eau sur sa tête rasée  ». Retour au texte

47 Voir par exemple, Od., XI, 236-254 (Tyro assaillie par Poséidon). Retour au texte

48 Cf. Eschyle, fr. 96 Radt  ; Sophocle, OC, 478  ; Euripide, Ion, 1173  ; Cycl., 89  ; Hypsipyle, fr. 1 Kannicht. Pour le lexicographe Hésychius, κρωσσοί est synonyme de «  ὑδρίαι, στάμνοι, λήκυθοι  ». Retour au texte

49 Voir aussi 115-116, 117, 124, 1187. Retour au texte

50 Cf. Lefkowitz (1995  : 33)  ; sur Io, voir Eschyle, PE, 676-677  ; sur Créuse assaillie par Apollon, voir Euripide, Ion, 881-893. Retour au texte

51 Manfrini (1992  : 136). Retour au texte

52 Voir Reeder (1995  : 352). Retour au texte

53 Sur ce sujet, voir Seaford (1987)  ; Rehm (1994). Retour au texte

54 OC, v. 751-752. Retour au texte

55 Voir Phérécyde, fr. 48 cité dans la scholie au v. 53 des Phéniciennes d’Euripide  ; Mimnermos, fr. 21 (West, Iambi et Elegi Graeci, vol.  2, 21)  ; pour une représentation iconographique de cet épisode, voir amphore attribuée au peintre de Tydée, corinthien tardif (Paris, Louvre E 640), LIMC, p. 526 n°  3, (s.v. Ismène). Retour au texte

56 Ibid., v. 1249, 1284-1285, 1311, 1340-1342. Retour au texte

57 À propos du deus ex machina euripidéen qui résoud moins les drames qu’il n’accentue l’impression de trouble et de chaos finale, voir Dunn (1996). Retour au texte

58 Cf. Parker (1996 : 78) : «  The water-carrying maiden with the jug on her head, the hydrophoros, is fixed in the iconography of worship and also appears frequently in votive terracottas  ». Retour au texte

59 Sur l’usage des flambeaux nuptiaux, voir la scène de Cassandre dans Troy., 308-352. Retour au texte

60 Voir Wright (2013 : 48-50). Retour au texte

61 Voir Sissa (1987  : 185-187). Retour au texte

Citer cet article

Référence électronique

Anne-Sophie Noel, « Femmes au vase sur la scène tragique : enjeux dramatiques et symboliques », Eugesta [En ligne], 4 | 2014, mis en ligne le 01 janvier 2014, consulté le 19 mai 2024. URL : http://www.peren-revues.fr/eugesta/810

Auteur

Anne-Sophie Noel

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