Résumé

La diplomatie peut se définir comme la conduite de négociations entre personnes, groupes ou nations en vue de régler un différend sans avoir recours à la violence. Dans le monde romain, la diplomatie fut indéniablement une affaire d’hommes. Pourtant, certaines femmes ont pu agir, en cas de crise grave, comme ambassadrices envoyées auprès de l’ennemi afin de négocier une paix ou un accord au nom de Rome. C’est le cas de Veturia, qui fut envoyée avec un groupe de matrones dans le camp ennemi pour parlementer avec son fils Coriolan, qui avait pris la tête des armées volsques contre sa propre patrie. Dans le cadre de cette étude, je me pencherai sur les circonstances qui ont permis à Veturia d’accéder à une fonction, en principe réservée aux hommes, ainsi que sur la manière dont celle-ci lui a été confiée. Je m’intéresserai également aux qualités et compétences particulières dont elle a dû faire preuve pour pouvoir réussir là où les hommes avaient échoué avant elle. Enfin, je m’interrogerai sur les raisons qui ont poussé des auteurs antiques tels que Denys d’Halicarnasse, Tite-Live et Plutarque, à faire de Veturia un exemplum digne d’être conservé dans la mémoire collective.

Plan

Texte

Non magistratus nec sacerdotia nec triumphi nec insignia nec dona aut spolia bellica iis contingere possunt : munditiae et ornatus et cultus, haec feminarum insignia sunt, his gaudent et gloriantur, hunc mundum muliebrem appellarunt maiores nostri.

Ni magistratures, ni sacerdoces, ni triomphes, ni décorations militaires, ni butin ne peuvent échoir aux femmes ; l’élégance, la toilette, les parures, voilà les insignes de la femme, voilà ce qui fait leur joie et leur gloire, voilà l’ornement des femmes, suivant l’expression de nos ancêtres.
Liv. 34, 71

Cette citation tirée de Tite-Live est bien connue : il s’agit d’un bref extrait du discours que Lucius Valerius Flaccus aurait prononcé, en 195 av. J.-C., en faveur de l’abrogation de la Lex Oppia. Selon lui, à Rome, les femmes étaient exclues de toute fonction publique et militaire, et les fonctions sacerdotales majeures leur étaient également fermées. La seule chose qui incombait aux matrones étaient d’être parées de manière adéquate et de prendre soin de leur apparence. En outre, les femmes romaines étant considérées comme « faibles » et les hommes comme « forts », chacun se voyait assigner des tâches définies dans la société : les hommes exerçaient des activités à l’extérieur, tandis que les femmes le faisaient à l’intérieur de la domus. Pourtant, certaines femmes ont perturbé ce système d’attribution des rôles et de l’espace, en agissant dans un domaine qui ne leur était en principe pas dévolu : celles-ci ont alors endossé un rôle ou ont exercé une activité considérée comme une prérogative des hommes, agissant à leur place. Dans le cadre de cette étude, je souhaite m’intéresser aux femmes qui sont intervenues durant une crise grave pour défendre les intérêts de leur patrie, et plus particulièrement me pencher sur celles qui ont agi comme ambassadrices envoyées auprès de l’ennemi afin de négocier une paix ou un accord au nom de Rome, c’est-à-dire sur des femmes qui sont intervenues dans le domaine de la diplomatie romaine.

La diplomatie antique

Depuis le XIXe siècle, les historiens de l’Antiquité appliquent le terme de « diplomatie » aux différentes formes de relations qu’entretenaient deux peuples autonomes ou deux États indépendants. Le monde antique ne connaissait pas de droit international ni d’appareil permanent de représentation. Malgré cela, il existait des structures institutionnelles, politiques, culturelles et religieuses qui encadraient le fonctionnement diplomatique. Plus particulièrement dans le monde romain, la diplomatie se traduisait par un ensemble de manifestations concrètes telles que des procédures de prévention ou de résolution de conflits avec ou sans envoi d’ambassades, la conclusion de traités de paix ou d’alliance, les échanges de prisonniers, d’otages ou de cadeaux, la reddition d’une cité, l’arbitrage entre deux États, etc. Lorsqu’une ambassade (legatio) était officiellement constituée par une assemblée (le Sénat romain par exemple), celle-ci était structurée : on définissait le nombre de personnes qui la composaient et on désignait un chef 2. Cette ambassade se voyait confier un mandat précis et recevait des consignes et des recommandations pour agir au mieux. Elle devait exposer à la partie adverse les décisions du Sénat et veiller à ce que celles-ci soient entendues et acceptées. En principe, l’ambassade n’était pas autorisée à discuter ou négocier les termes d’un accord3. Néanmoins, les agents diplomatiques (legati) étaient choisis parce qu’ils manifestaient certaines compétences. Ils étaient considérés comme des connaisseurs du problèmes à régler, ainsi que des experts du droit et de l’histoire en général. Ils devaient aussi démontrer des connaissances de la culture diplomatique romaine et être capables de s’adapter aux pratiques des autres. Enfin, ils devaient être de bons orateurs et savoir convaincre la partie adverse en usant au mieux de la communication politique et diplomatique4.

Dans les récits antiques qui relatent des actes diplomatiques, c’est fréquemment la figure de l’ambassadeur qui est mise au premier plan, c’est-à-dire de celui qui prend la parole et négocie ou nom d’un état ou d’une cité5. En diplomatie, le dialogue occupe bien entendu une place centrale puisqu’il s’agit de régler un différend autrement que par les armes. Un bon ambassadeur doit suivre les recommandations reçues, mais ensuite il doit être capable de négocier, c’est-à-dire, de développer une procédure et une stratégie de communication efficace pour réussir à convaincre son interlocuteur. À Rome, la diplomatie était clairement une affaire d’hommes : les agents diplomatiques sont des hommes qui discutent avec d’autres hommes d’affaires de guerre, concluent des traités de paix ou d’alliance, règlent le sort d’otages ou de prisonniers. Pourtant certains auteurs antiques rapportent que des femmes, en cas de crise grave, ont parfois endossé le rôle d’ambassadrices et ont, par leurs actes et surtout leurs paroles, permis de régler un conflit armé en négociant une paix au nom de Rome. Qui sont donc ces femmes exceptionnelles qui ont été fixées dans la mémoire collective comme exempla ? Dans quelles circonstances ont-elles pu exercer ce rôle typiquement « masculin » ? Qui a pris l’initiative de leur confier une telle mission et dans quels types de conflits sont-elles intervenues à titre d’ambassadrices ? Enfin, ces femmes ambassadrices ont-elles développé des capacités semblables à celles des hommes ? Voici quelques questions auxquelles je tenterai de répondre dans le cadre de cette étude.

Le récit de Coriolan et de l’ambassade féminine entre mythe et histoire

Au cours de son histoire, Rome a fréquemment été en position de supériorité militaire face à ses ennemis, tout particulièrement au début de la République. Cette position hégémonique fait qu’elle a peu recouru à la négociation pour régler une guerre autrement que par les armes. Pourtant, au tout début du Ve siècle av. J.-C., les Romains étaient en difficulté face aux Volsques menés par Coriolan, et diverses sources rapportent qu’une ambassade de matrones romaines fut envoyée auprès de l’ennemi pour négocier un accord de paix au nom du peuple romain.

L’histoire de Coriolan est empreinte de légendes6. Plusieurs sources narratives, toutes d’époques postérieures, évoquent avec plus ou moins de détails l’histoire de ce personnage romain qui a trahi sa patrie7. Malgré quelques divergences, les sources conservées s’accordent sur les principaux événements liés à l’histoire de Coriolan. Ainsi la tradition littéraire fait de Gnaeus Marcius Coriolan un jeune patricien, membre de la gens Marcia, qui aurait eu un lien de parenté avec Ancus Marcius, quatrième roi de Rome8. Selon Plutarque, auteur d’une vie de Coriolan, celui-ci aurait perdu son père très jeune et c’est sa mère qui se chargea seule de son éducation9. Adulte, il se distingua par ses capacités militaires notamment lors de la prise de la cité volsque de Corioles en 493 av. J.-C.10, à l’issue de laquelle il reçut son surnom de Coriolanus. Ensuite, durant les conflits qui opposèrent patriciens et plébéiens, après la chute de la royauté, Coriolan s’opposa durement à la plèbe, si bien que celle-ci fit pression sur le Sénat pour demander et obtenir son exil. Coriolan quitta donc Rome en 491 et se rendit chez les Volsques pour les conseiller et les convaincre de reprendre les hostilités contre Rome. Coriolan voulait se venger de sa patrie qui l’avait exilé, tandis que les Volsques voulaient se soulever contre l’hégémonie romaine. Coriolan, le traître, fut ainsi nommé chef des armées volsques en vue de mener la guerre contre les Romains. Il enchaîna les succès militaires en faisant tomber plusieurs colonies et cités alliées des Romains, puis il installa son camp aux portes de Rome. C’est alors que les sénateurs romains tentèrent une approche diplomatique pour mettre fin à ce conflit, car la plèbe refusait de combattre11. Après plusieurs tentatives infructueuses, c’est une ambassade féminine conduite par la mère de Coriolan qui fut envoyée pour parlementer au nom de Rome.

Bien évidemment, aujourd’hui il est impossible de séparer les éléments historiques véridiques liés à la vie de Coriolan et les ajouts littéraires postérieurs. Les différentes sources conservées, qui ne remontent pas au-delà du Ier siècle av. J.-C., reprennent probablement une version antérieure (celle de Fabius Pictor notamment), à laquelle elles ont ajouté des strates inventées pour répondre à des contraintes narratives contemporaines12. Il n’en reste pas moins que, même si l’on ne peut prouver la véracité historique de toute cette affaire, le récit de l’ambassade féminine tel qu’il a été mis par écrit postérieurement est important, car, aux yeux des Romains, il faisait partie de l’histoire légendaire de l’Vrbs et devait servir non seulement à justifier l’origine du temple dédié à Fortuna Muliebris et le culte matronal qui lui était associé13, mais aussi servir à titre d’exemplum digne d’être conservé dans la mémoire collective. Et, en ce sens, je rejoins les propos de T. Cornell14 : « The important point is that a living myth has a useful, or instrumental, function, in that it expresses the way in which a society sees itself and the world at a given moment of time ».

Premières ambassades romaines

Ainsi, selon les récits conservés, la menace que représentaient Coriolan et les armées volsques créa à Rome une vive inquiétude. Sous la pression du peuple, le Sénat décida d’envoyer une ambassade pour tenter de mettre fin à la guerre : « une foule immense qui réclamait la paix commença par les [= les consuls Spurius Nautius et Sextus Furius] effrayer avec des cris séditieux et finit par les contraindre à réunir le Sénat et à proposer d’envoyer des parlementaires à Gnaeus Marcius. Le Sénat adopta la proposition en voyant fléchir le moral de la plèbe »15. Ainsi, une première mission diplomatique romaine composée de cinq émissaires fut envoyée auprès de Coriolan pour tenter de trouver un accord et éviter la guerre. D’après Plutarque, ces députés du Sénat étaient des « familiers de Coriolan » qui s’attendaient « à recevoir, dès la première entrevue, un accueil favorable d’un homme qui était leur parent et leur ami »16. Denys d’Halicarnasse, dont le récit est le plus détaillé, va même jusqu’à donner les noms de ces cinq ambassadeurs : Marcus Minucius, Postumus Cominius, Spurius Largius, Publius Pinarius et Quintus Sulpicius, tous d’anciens consulaires17. Le premier, Marcus Minucius, fut désigné comme chef et porte-parole de cette délégation romaine car il avait autrefois soutenu Coriolan. Denys poursuit son récit par un long discours au style direct dans lequel Minucius use de divers arguments pour tenter de convaincre Coriolan de renoncer à sa vengeance et de revenir dans sa patrie18. Mais Minucius échoue dans sa mission car Coriolan maintient ses conditions : Rome doit accorder aux Volsques les mêmes droits que les Latins et leur restituer les territoires conquis ; les Romains ont trente jours de délai pour réfléchir et prendre une décision19.

Cette première ambassade romaine ne parvient donc pas à obtenir un accord de paix honorable pour Rome ni le retour de Coriolan dans sa patrie. Après délibération, les sénateurs romains décident l’envoi d’une seconde ambassade20. D’après Denys d’Halicarnasse et Appien, pour cette seconde tentative, ce sont dix consulaires qui sont dépêchés auprès de Coriolan et des Volsques avec la même mission : négocier un accord de paix durable et inviter l’ennemi à ne pas formuler de requête indigne pour Rome21. Cette fois, Denys ne précise pas qui étaient ces dix consulaires ni qui était leur chef. Peut-être que tous ou une partie des membres qui composèrent la première délégation furent envoyés une seconde fois avec des légats supplémentaires. D’ailleurs, cette augmentation du nombre de représentants romains devait conférer à l’ambassade un prestige plus important et accorder plus de crédit à l’ennemi. Mais une fois encore, Coriolan n’accepta pas les propositions romaines et les ambassadeurs romains s’en retournèrent au Sénat faire leur rapport22.

Alors que l’attaque semble inévitable, les sénateurs ordonnent l’envoi d’une troisième ambassade. L’objectif diplomatique est toujours le même, mais cette fois la stratégie diffère légèrement car le Sénat « décréta que tous les prêtres des dieux, les célébrants des mystères, les gardiens des temples et les augures, qui, suivant l’antique tradition des ancêtres, pratiquent la divination d’après le vol des oiseaux, se rendraient au grand complet auprès de Marcius, revêtus des ornements rituels propres à chacun d’eux dans les cérémonies sacrées, pour lui faire les mêmes propositions et l’engager à mettre fin à la guerre »23. Denys précise que cette ambassade adressa à Coriolan un message similaire aux précédents, mais que leurs paroles n’eurent pas plus d’effet. On peut d’ailleurs supposer que, comme pour les deux précédentes legationes, les sénateurs avaient défini la stratégie à adopter ainsi que les conditions de l’accord, et qu’ils avaient informé et préparé les ambassadeurs pour qu’ils puissent accomplir leur mission de la meilleure manière possible. Nous noterons enfin qu’aucune source ne précise le nombre de personnes qui composa cette troisième délégation pas plus que leurs noms. Nous savons simplement que les prêtres étaient nombreux, anonymes, et qu’ils espéraient accomplir leur mission en affichant leurs vêtements et leurs attributs religieux, comme pour rappeler que la diplomatie était placée sous l’autorité et la protection des dieux, et peut-être aussi pour intimider la partie adverse. Mais cette troisième tentative diplomatique romaine échoue encore.

La dernière chance : Veturia et l’ambassade féminine

Dans la suite de leur récit, Appien, Tite-Live, Plutarque, Dion Cassius24 et Denys d’Halicarnasse rapportent tous de manière analogue les événements, mais avec, chez certains auteurs, davantage de détails. Il paraît clair que ces historiens se sont tous basés sur une version précédente identique tout en gardant une certaine liberté d’adaptation25. Pour ma part, je suivrai principalement le récit de Denys d’Halicarnasse parce qu’il est l’un des plus anciens conservés et surtout le plus détaillé, tout en signalant, le cas échéant, les éventuelles divergences avec les autres auteurs26. Comme on le sait, dans ses Antiquités romaines, Denys d’Halicarnasse use abondamment des discours au style direct. Les dialogues qu’il place dans la bouche de ses personnages lui permettent d’éviter la monotonie du récit, d’offrir à ses contemporains « une représentation vivante » de l’histoire romaine27 mais surtout des modèles de comportement. Enfin, comme le rappelle V. Fromentin, les discours fournissent aussi à Denys le moyen de caractériser ses personnages ainsi que d’exposer des thèses qu’ils défendent28. C’est pourquoi, même si ces discours soulèvent d’importants problèmes historiques, ils n’en demeurent pas moins intéressants car ils nous permettent de mieux saisir comment les Romains ont, à posteriori, compris et justifié certaines actions et quels types de modèles ils ont voulu transmettre à leur lectorat. En outre, Denys d’Halicarnasse est un auteur particulièrement intéressant pour notre propos puisque, dans son souci de vouloir présenter à un public grec la supériorité des lois romaines, il fournit de nombreux détails sur les institutions et l’organisation politique des Romains, et tout particulièrement sur le rôle des magistrats et du Sénat29.

Ainsi, suite à l’échec des trois premières ambassades romaines, l’attaque imminente des armées volsques conduites par Coriolan semblait inévitable. Face à cette situation désespérée, les matrones romaines laissèrent, dit Denys d’Halicarnasse, le sentiment de modestie habituel qui les faisait rester à la maison pour se rendre dans les sanctuaires et supplier les dieux de secourir la patrie. C’est devant le temple de Jupiter Capitolin que l’une d’entre elles, Valeria, sœur de Valerius Publicola, prend la parole. Denys précise que cette Valeria était d’un âge mûr et capable de donner de bons conseils, et qu’elle agissait sous inspiration divine. Elle rassemble toutes les matrones présentes, les rassure puis les exhorte à agir ensemble pour sauver la patrie. Alors une des matrones demande à Valeria comment elles, de faibles femmes, pourraient sauver la patrie. Selon Valeria, ce n’est pas par la force qu’elles y parviendront mais par la bienveillance et leurs discours30.

Valeria propose alors à toutes les femmes de se rendre dans la demeure de Veturia, la mère de Coriolan, dans une tenue de deuil et avec leurs enfants dans les bras. Une fois là-bas, elles implorent Veturia de se rendre dans le camp ennemi, accompagnée de sa belle-fille et de ses petits-enfants, pour supplier à genoux son fils de ne pas s’en prendre à Rome. Selon Valeria, Coriolan ne pourra pas rester insensible aux prières et aux supplications de sa propre mère. Pour finir de la convaincre, Valeria promet aussi à Veturia une gloire immortelle car son action sauvera Rome et, grâce à elle, ce sont toutes les femmes qui seront honorées par les hommes pour avoir réussi à mettre fin à une guerre qu’eux-mêmes avaient été incapables d’empêcher31. Elle fait donc appel à son sens du devoir envers sa famille, sa patrie et toutes les autres femmes. Ce qui nous paraît intéressant dans la version rapportée par Denys d’Halicarnasse, c’est que les matrones parlementent entre elles, discutent, échangent leurs opinions. Elles tiennent un conseil, une sorte d’assemblée populaire au féminin mais, à la différence de leurs époux, qui le font à la Curie, elles se rassemblent dans la demeure privée de l’une d’entre elles (confirmant ainsi l’opposition genrée romaine entre espace public et espace privé). Valeria conseille Veturia sur le contenu du discours qu’elle devra adresser à son fils, le ton à utiliser (remontrance et tendresse) et sur la gestuelle qu’elle devra adopter (s’agenouiller pour l’implorer) à l’instar des sénateurs lorsqu’ils nomment un ambassadeur, lui communiquent le contenu de sa mission et le préparent à affronter son interlocuteur. Valeria aussi prépare Veturia à accomplir sa mission et compose le groupe de femmes chargées de l’accompagner. Ensemble, les deux matrones avec l’aide de toutes les autres définissent les buts vers lesquels tendront les pourparlers et établissent une stratégie de communication diplomatique, en préparant les arguments de la négociation.

Toujours selon le récit très détaillé de Denys, les femmes quittent ensuite la maison de Veturia afin de rapporter aux consuls le plan qu’elles ont élaboré pour tenter de venir en aide à la patrie. On ne sait par quel moyen ou quel intermédiaire les femmes transmettent aux consuls leurs intentions. Sans doute par l’intermédiaire d’un époux, d’un père, d’un fils ou d’un frère32, qui expose aux consuls la proposition qui émane de cette assemblée de femmes, puis les consuls la communiquent à leur tour aux autres sénateurs. Cette proposition est immédiatement prise au sérieux et on reconnaît le courage et la valeur des matrones, prêtes à se mettre dans une situation de grand danger pour sauver Rome. Le plan élaboré par les matrones est ensuite discuté, en leur absence, par les hommes. Au terme des délibérations, les sénateurs accordent l’autorisation à toutes les femmes de sortir de la cité pour escorter de manière honorable la mère et l’épouse de Coriolan, qui sont officiellement reconnues comme les cheffes de cette legatio. Il est intéressant de noter que, pour Denys d’Halicarnasse, c’est surtout la décision du Sénat d’autoriser l’envoi de cette ambassade qui est louable et non pas tant le fait que l’action ait été suggérée et entreprise par les femmes. Dans un souci de précision encore, l’historien indique que toutes ces décisions sont consignées par écrit, puis présentées officiellement au peuple par les consuls comme pour garantir que cette action était faite dans le respect des règles et avec le consensus de tous. Le peuple est ensuite invité à se réunir à l’aube du lendemain, aux portes de la cité, pour escorter cette ambassade de femmes courageuses et s’assurer de leur protection pour une partie du trajet33.

On retiendra de cette partie du récit que, même si l’initiative relève entièrement des matrones, celles-ci doivent obtenir l’aval des sénateurs avant de pouvoir agir au nom de la patrie et représenter Rome face à l’ennemi et hors de ses murs. En revanche, les sénateurs n’interviennent pas dans la préparation des ambassadrices ; elles se préparent entre elles et établissent seules une stratégie diplomatique. Ce sont d’ailleurs les femmes elles-mêmes qui élisent leurs porte-paroles et, comme les sénateurs avant elles, elles choisissent des familiers de Coriolan. Toutefois, elles vont plus loin dans l’intimité des liens puisqu’elles choisissent d’envoyer les plus proches parents de Coriolan encore en vie : sa mère, son épouse et ses enfants. En outre, leur stratégie diplomatique vise à jouer davantage sur les émotions en usant de leur charme et de leur tendresse pour raviver chez l’ennemi l’amour filial, marital et paternel, mais aussi la tendresse, le respect et la compassion. Il ne s’agit plus seulement de faire appel à des valeurs communes liées à la patrie, mais aussi à des valeurs familiales et morales.

L’entrevue entre Veturia et son fils

Le lendemain, à la lumière des torches, le cortège se met en route. Les matrones sont installées sur des chars avec leurs enfants et conduisent Veturia et sa belle-fille. Les femmes sont elles-mêmes escortées par les consuls, suivis des sénateurs et de nombreux citoyens, qui scandent le convoi de leurs prières afin de rendre favorable cette entreprise. À l’approche du camp ennemi, les matrones continuent seules. Coriolan est alors informé que sa mère, son épouse et ses enfants sont à la tête de ce cortège insolite composé de femmes et d’enfants qui est venu lui demander audience34. Veturia est immédiatement perçue comme le chef de cette ambassade, car elle marche en tête du convoi35. Sa position l’identifie comme l’interlocutrice principale et donc la négociatrice : celle qui a un message à communiquer. Appien va même jusqu’à souligner le comportement masculin des matrones romaines, qui agissent « comme des Romains »36.

Veturia se présente à son fils de manière pitoyable, indique Denys d’Halicarnasse : portant des vêtements de deuil et les yeux noyés de larmes afin de susciter immédiatement la compassion de son fils37. Ceci fait partie de la stratégie diplomatique mise en place par les matrones : tenter d’émouvoir l’ennemi par les sentiments38. Sans prononcer le moindre mot, Veturia a déjà remporté un premier succès sur son adversaire. En effet, à sa vue Coriolan vient à la rencontre de sa mère et l’embrasse affectueusement, pleurant dans ses bras et lui adressant de douces paroles qui la bouleversent39. Après avoir également salué son épouse et ses deux enfants, Coriolan demande à sa mère les raisons de leur venue mais, avant de parler, Veturia demande à son fils de pouvoir parler en public et elle souhaite qu’il l’écoute à l’endroit où il rend habituellement la justice40. On glisse ainsi de la sphère familiale à la sphère politique. Selon Denys, Coriolan s’approche alors de la tribune et ordonne à ses licteurs d’abaisser son siège jusqu’au sol, car il ne veut pas prendre une position supérieure vis-à-vis de sa mère, ni une quelconque autre forme d’autorité. Puis, il s’entoure de ses commandants et de ses officiers les plus remarquables pour écouter le contenu du message officiel dont sa mère est porteuse. Veturia, quant à elle, s’entoure de sa belle-fille et de ses petits-fils, ainsi que des plus illustres matrones romaines qui ensemble composent son « conseil ». D’un côté se trouvent donc le général et les officiers volsques, qui symbolisent la force guerrière et les vertus masculines, de l’autre les matrones dans leur rôle d’épouses et de mères procréatrices symbolisant les vertus familiales.

Nous noterons que la rencontre entre Coriolan et sa mère se passe donc comme une réunion de haut niveau entre chefs (concilia) et selon le protocole officiel. Coriolan est investi de la fonction de général en chef des armées (imperator) et il est en position de supériorité militaire puisque l’ennemi est venu lui demander audience dans son camp. Veturia, quant à elle, malgré son sexe, a reçu une fonction officielle, celle d’ambassadrice, et elle est venue, escortée de son « conseil », demander audience à la partie adverse. Toutefois, Coriolan aurait dû patienter et recevoir l’ambassade féminine en conservant sa position surélevée sur son estrade et non pas inverser les rôles en plaçant son interlocuteur dans une position d’égalité. Veturia, dans sa fonction officielle d’ambassadrice romaine, demande à parler en présence des soldats de l’armée ennemie. Chose surprenante : la matrone ose prendre la parole en public et, qui plus est, devant une armée entièrement masculine41. Elle met ainsi de côté sa pudeur au service de la patrie. Agissant ainsi, Veturia annonce le but de sa présence : il ne s’agit pas d’une visite privée, mais d’une visite officielle, et elle est porteuse d’un message important.

Dans la version de Denys d’Halicarnasse, Veturia prend longuement la parole afin d’exposer les raisons de sa venue et présenter les clauses de l’accord qu’elle soumet à son fils et aux Volsques au nom de Rome42. Dans le discours que Denys lui prête, Veturia démontre toutes les qualités propres à une bonne négociatrice : elle maîtrise la communication orale et la rhétorique, mais également l’information. Elle montre qu’elle est parfaitement renseignée sur la situation actuelle et passée, sur les enjeux de ce conflit, les valeurs et les intérêts tant du côté romain que volsque. Mais surtout, elle démontre qu’elle est parfaitement apte à discuter et à argumenter face à son interlocuteur masculin. Elle ne montre ni crainte, ni une quelconque forme d’infériorité due à son sexe ; bien au contraire, c’est elle qui mène la discussion, qui conserve la parole le plus longtemps et qui amène son interlocuteur à accepter les termes de l’accord qu’elle est venue discuter. Enfin, elle est, de par son rôle de mère (qui a mis au monde son fils et l’a élevé seule en l’absence d’un père), la personne qui connaît le mieux Coriolan, la personne qui lui est la plus proche43. Dans son discours, elle lui rappelle qu’il lui doit de la reconnaissance, non seulement pour l’avoir mis au monde, mais aussi pour lui avoir consacré sa vie puisqu’elle ne s’est pas remariée après la mort de son époux. Bien qu’elle soit une femme, Veturia exerce sur son fils une forme d’autorité comme le ferait un pater familias, tout en jouant sur les liens affectifs et sur les émotions qu’elle provoque en lui. Veturia, en bonne ambassadrice, sait tirer parti des émotions à des fins politiques en mêlant les sentiments que Coriolan doit à sa famille et à sa patrie. Enfin, comme le relève très justement E. Redondo-Moyano, Veturia ne maîtrise pas seulement le discours, elle gère aussi parfaitement le silence, les jeux de regards et la gestuelle afin de provoquer et de maintenir auprès des spectateurs un sentiment de compassion44.

Veturia présente un autre trait propre aux bons ambassadeurs : son âge et son expérience. Aux yeux des Romains, l’âge est un signe de maturité, de sagesse et inspire le respect, mais il est aussi une qualité indispensable à tout bon ambassadeur. À titre de comparaison, évoquons une ambassade échangée en 203 av. J.-C., durant la seconde guerre punique, entre Romains et Carthaginois. Dans cette affaire rapportée par Tite-Live45, les vieux sénateurs romains s’indignent que les Carthaginois aient envoyé pour parlementer avec eux de jeunes hommes, dépourvus de connaissances vis-à-vis des traités conclus à la fin de la première guerre punique. Leur jeune âge faisait d’eux des personnes inaptes à la connaissance des faits et à la discussion diplomatique. Or, dans l’affaire de l’ambassade féminine envoyée auprès de Coriolan, c’est toujours sa mère, dépeinte comme une veuve d’un âge avancé, qui prend la parole, tandis que sa belle-fille, qui est plus jeune et porte dans ses bras de jeunes enfants, se tient à ses côtés mais reste silencieuse. Veturia et Volumnia représentent donc deux âges (ou deux étapes de la vie d’une femme) et deux modèles complémentaires de matrones, mais c’est Veturia qui est choisie comme cheffe et porte-parole parce qu’elle est une femme plus âgée dont le vécu et l’expérience lui permettent d’être plus sage, mieux informée, d’avoir une meilleure mémoire et surtout de susciter le respect de ses interlocuteurs46.

Chez Denys d’Halicarnasse, au terme de son discours, Veturia cherche une dernière fois à ranimer en son fils la piété filiale, à toucher ses sentiments. Elle va même jusqu’à se prosterner devant lui et à embrasser ses mains et ses pieds. Les autres matrones l’accompagnent avec leurs lamentations portant à son comble l’émotion dans le camp ennemi47. Dans le récit de Plutarque aussi, la mère se jette à genoux, suivie par toutes les autres femmes, qui implorent Coriolan d’accepter cet accord48. Ceci fait encore une fois partie de la stratégie élaborée par l’ambassade féminine : jouer sur les émotions, attendrir l’ennemi, susciter sa pitié. Or, dans le langage du pouvoir et de la diplomatie, la prosternation corporelle symbolise l’infériorité, la défaite, la supplication et parfois même une marque de gratitude49. Pourtant, à aucun moment dans le récit de cette legatio, Veturia n’a semblé être en position d’infériorité face à son fils ; bien au contraire, c’est elle qui a conduit les pourparlers, conservé le plus longuement la parole et fait descendre son fils de son estrade. Nous avons vu qu’elle exerce sur lui une forme d’autorité. Dès lors, cette gestuelle liée à la prosternation paraît impropre à la situation et, chez Plutarque, elle indigne d’ailleurs Coriolan : « Que fais-tu là, ma mère ? »50. Dans sa version du récit, Dion Cassius51 affirme que Veturia aurait même arraché ses vêtements pour dévoiler son sein, un signe habituellement compris comme un geste de supplication, mais qui pouvait aussi servir à raviver les liens de filiation maternelle dans des situations critiques, comme le suggère E. Valette52. Pourtant, dans la gestuelle et la communication politico-diplomatique populaire, la nudité revêt un sens différent selon le sexe : la nudité des hommes est synonyme de courage, alors que, chez les femmes, la nudité – qui se matérialise justement par le découvrement des seins, associé à une gestuelle des mains – indique la renonciation ou la reddition53. Toutefois, Veturia et les autres matrones ne sont pas venues discuter d’une reddition mais un accord de paix favorable à Rome.

Ici il est clair que Veturia joue à la fois entre l’espace privé et public, entre son rôle de mère et d’ambassadrice officielle de Rome pour toucher les sentiments de son interlocuteur. Les émotions qu’elle cherche à provoquer en lui (la pitié, l’amour, la tristesse, la honte, le respect, le regret) font partie de la stratégie mise en place par les matrones à l’instigation de Valeria, et c’est là la grande force de cette ambassade par rapport aux trois précédentes. Les matrones, dans leurs différents rôles au sein de la famille et de la société, ont le droit et la faculté d’émouvoir les hommes.

Dans l’ensemble, la gestuelle, les paroles et la stratégie de communication appliquées par Veturia conduisent son action à un véritable succès diplomatique : Coriolan est ému et il se jette dans les bras de sa mère et, à nouveau, les rôles sont inversés, puisque c’est lui – pourtant en position de supériorité militaire – qui fait part de sa reddition. Après cette scène, le fils, la mère et la belle-fille se retirent en privé pour discuter ensemble, loin des regards. Dans une sorte de conseil restreint, passant de la sphère publique à la sphère familiale, ils décident tous les trois du contenu de la proposition qui sera faite tant aux sénateurs romains qu’aux Volsques. Au coucher du soleil, les discussions sont terminées et les matrones romaines, avec à leur tête Veturia et sa belle-fille, s’en retournent chez elles, victorieuses54. Les sources qui rapportent ce récit sont unanimes : c’est l’action des femmes qui a permis à Rome de remporter cette victoire sans combattre, par le biais d’un accord diplomatique : « Ceux qui veillaient aux remparts n’eurent pas plus tôt vu au loin décamper les Volsques que tous les temples s’ouvrirent et que tous les gens se couronnèrent la tête et offrirent des sacrifices comme pour une victoire. Mais la joie de la ville se manifesta surtout par les marques d’affection et d’honneur dont les femmes furent l’objet de la part du Sénat et du peuple tout entier. On disait et l’on pensait qu’elles avaient été manifestement causes du salut public. Le Sénat décréta que tous les honneurs et toutes les faveurs qu’elles demanderaient leur seraient accordés et que les magistrats s’en chargeraient ; mais elles ne demandèrent pas autre chose que l’érection d’un temple à la Fortune Féminine. Elles offrirent même de contribuer aux dépenses, l’État prenant à sa charge les sacrifices et les honneurs dus aux dieux »55.

Conclusion

Au terme de cette étude, il me paraît tout d’abord important de souligner le caractère extraordinaire de cette affaire. À Rome, les femmes ne disposaient pas des prérogatives pour discuter et conclure un accord officiel au nom de Rome avec une cité ou un État étranger, ni avec un général ennemi. En effet, leur statut social et leur incapacité politique font qu’elles ne pouvaient pas endosser de fonction officielle ni une quelconque magistrature et encore moins une fonction d’ambassadrice. Et en dehors de cet exemple, à Rome, la conduite d’ambassades diplomatiques par des femmes reste un événement tout à fait exceptionnel56. Or, nous avons vu que la négociation entre Veturia et Coriolan se joue sur des relations personnelles et les émotions, glissant sans cesse du domaine public au domaine privé (effusions et embrassades, gestes évoquant l’intimité familiale tels que le dévoilement des seins avec lesquels Veturia avait allaité son fils, le conseil privé entre Coriolan, sa mère et son épouse après la partie officielle, etc.). Néanmoins, dans cette affaire, les sources s’accordent sur le fait que les femmes n’ont pas agi de manière officieuse. Elles ont demandé et obtenu l’accord du Sénat pour agir avec son consentement. Le caractère officiel de la démarche ne fait donc aucun doute. Ainsi même si cette action est inhabituelle, elle relève assurément du domaine de la diplomatie.

Dans cette action diplomatique, nous avons vu que les femmes ont réussi là où les hommes ont échoué : elles ont obtenu la paix avec les Volsques par le biais de la négociation. Et, si cette action leur vaut la gloire et la reconnaissance de l’ensemble du peuple romain, on peut s’interroger sur la manière dont le conflit a été résolu57. D’une manière générale, les Romains préféraient établir une victoire par la force des armes, faisant preuve de courage et de bravoure, que de l’obtenir par le biais de la négociation. On le voit, par exemple, lors de l’entrevue du Pénée en 172/171 av. J.-C., lorsque Persée et des ambassadeurs romains négocient pour tenter d’éviter la guerre58. Tite-Live rapporte que les Romains menés par Quintus Marcius obtiennent une victoire diplomatique, mais que celle-ci n’est pas récompensée par les vieux sénateurs, qui considéraient plus glorieux de remporter une guerre par le biais des armes, avec force et courage, plutôt que par le biais de la parole, perçue comme une ruse. À Rome, la négociation pouvait donc être vue comme un stratagème pour tromper l’ennemi et une manière peu honorable de vaincre. Si, dans l’affaire de Coriolan, les Romains autorisent les femmes à négocier une paix au nom de l’État, serait-ce parce que cette méthode était considérée comme indigne des hommes, mais acceptable pour des femmes ? D’ailleurs, toutes les matrones qui escortent Veturia et sa belle-fille et qui sont présentes tout au long des pourparlers n’ont d’autre fonction que d’être présentes et de participer à la supplication, là encore une action dévolue aux femmes. S’il était permis aux femmes d’exploiter le registre de l’émotionnel en pleurant, en gémissant et en suscitant la piété, ceci était en revanche interdit aux citoyens romains. En autorisant les femmes à agir à leur place et à accomplir certaines actions considérées comme indignes pour eux, les Romains sauvegardaient leur honneur tout en atteignant leur but dans une situation de crise.

Enfin, pour en revenir à mes interrogations de départ, nous avons pu voir que Veturia a été conservée dans la mémoire collective à titre d’exemplum comme une femme qui a eu le courage et la capacité d’agir dans le registre de la diplomatie, pour sauver Rome dans une situation extrêmement grave. Veturia, accompagnée des autres matrones, a pu agir légalement, dans un rôle normalement dévolu aux hommes. Et, lorsqu’elle a été autorisée à endosser ce rôle « masculin », elle s’est montrée tout à fait capable d’agir à l’égal des hommes – voire même mieux qu’eux puisqu’elle a réussi là où ils ont échoué –, et comme disposant de toutes les qualités et compétences nécessaires pour réussir ce type de mission. Malgré son sexe, elle a agi avec courage (uirtus)59. Les auteurs antiques s’accordent pour lui reconnaître aussi d’autres qualités et vertus nécessaires au bon accomplissement de cette tâche : l’âge, la maturité, l’expérience, l’autorité, la connaissance, la loyauté envers la patrie, la capacité à mettre ses propres liens familiaux et affectifs en retrait pour le bien public mais aussi des compétences argumentaires et oratoires. Je constate que ce sont toutes des aptitudes qui touchent davantage à la sphère masculine que féminine.

Dès lors, nous sommes en droit de nous demander pour qui Veturia devait servir de modèle de comportement60. Dans leurs œuvres, Tite-Live, Denys d’Halicarnasse ou encore Plutarque accordent tous une grande importance à l’exemplarité : chacun enregistre les faits mémorables du passé et fournit, à ses lecteurs, des exemples instructifs de comportement pour agir au mieux dans le présent et le futur. Par le biais du personnage de Veturia, ces auteurs ont construit la figure d’une matrone romaine idéale : uniuira, sage, courageuse, respectable, prête à se dévouer pour l’intérêt commun ; en même temps ils ont construit autour d’elle tout un système de valeurs. Mais la question demeure : Veturia devait-elle servir d’exemple de comportement aux matrones romaines de la fin de la République, ce qui supposerait qu’elles lisaient ces œuvres au même titre que les hommes ? C’est une possibilité, mais, à mon avis, ces œuvres étaient prioritairement destinées à des lecteurs masculins. Dans ce cas, dans son rôle de médiatrice entre les sénateurs et son fils, Veturia devait servir d’exemplum aux dirigeants romains. En effet, de nombreux exemples prouvent que les femmes intervenaient à l’intérieur de leur cercle familial, auprès de leur époux, leur fils, leur frère ou encore leur père, pour tenter d’influencer leurs décisions ou leurs actes même dans le domaine de la politique61. À travers le personnage et l’action de Veturia, il s’agissait peut-être de rappeler à certains hommes que parfois les femmes peuvent être, par le biais de sages paroles, des conseillères efficaces et des partenaires favorables dans la résolution de conflits. Mais aussi de rappeler à ces mêmes hommes que ce type d’intervention ne peut être accepté qu’à certaines conditions et seulement en cas de crise grave. Les femmes pouvaient intervenir dans un domaine qui leur était en principe interdit à cause de leur sexe (comme la diplomatie), mais seulement si elles avaient préalablement demandé et obtenu l’autorisation des hommes, et que ceux-ci avaient fourni un cadre légal à leur action. Cet exemple montre aussi qu’à Rome, la concorde entre hommes et femmes qui œuvrent ensemble dans un but commun – celui de sauver la patrie – est une force et c’est ce qui a fait la supériorité de Rome dans le cas présent. En effet, du côté volsque, les femmes brillent par leur absence.

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Notes

1 Trad. Gourevitch & Raepsaet-Charlier 2001, complétée par Dubosson-Sbriglione. Retour au texte

2 Les légations chargées de missions diplomatiques étaient fréquemment composées de dix hommes (les decem legati) ou de cinq. Voir par exemple Liv. 45,17. Retour au texte

3 Voir Stouder 2015, pp. 54-55. Retour au texte

4 Sur la diplomatie antique et plus particulièrement pour la République romaine voir Auliard 2006 ; Canali de Rossi 1997 et 2005 ; Eilers 2009 ; Gizewski 1997 ; Grass & Stouder 2015. Retour au texte

5 Sur les figures de conseillers et d’ambassadeurs voir Queyrel Bottineau & Guelfucci 2017. Retour au texte

6 Sur Coriolan, il existe une riche bibliographie. Voir notamment Cornell 2003 ; David 2001 ; Freyburger 2001 ; Lehman 1952 ; Mommsen 1870 ; Piel 2006 ; Russell 1963 ; Salmon 1930 ; Schur 1931. Retour au texte

7 Les récits qui rapportent cette affaire sont le fruit d’une élaboration tardive : Tite-Live (2, 33-40), Denys d’Halicarnasse (6-8), Appien (Ital. 5), Plutarque (Cor.), Dion Cassius (5, 35-40), Aurelius Victor (Vir. ill. 19), auxquels nous pouvons ajouter quelques allusions chez Cicéron (Brut. 41-43 ; 9, 10, 3), Zonaras (7, 16) et Tzetzes (H. 532-56). Au plus tôt, ce sont donc des récits qui datent du Ier siècle av. J.-C., et qui ont recouru à une réécriture de ce mythe. Nous noterons enfin que, si Cicéron est notre source conservée la plus ancienne, celui-ci ne fait aucune mention de l’ambassade féminine. Les premiers historiens à évoquer le rôle extraordinaire joué par les matrones romaines sont Tite-Live et Denys d’Halicarnasse. Retour au texte

8 Le personnage de Coriolan est décrit de manière contradictoire par les sources antiques : à la fois Romain, Latin et Volsque, héros ou traître à sa patrie, plébéien ou patricien, etc. Ces portraits contradictoires sont certainement dus à la coexistence de diverses traditions qui se sont développées après la mort du personnage, ainsi qu’à des remaniements successifs. Les études historiographiques menées depuis le XIXe siècle tentent de faire la part entre le mythe et l’histoire et de mettre en évidence les nombreux problèmes d’anachronismes. Sur ces questions, voir les diverses études citées en bibliographie. Pour ma part et dans le cadre de cette étude, je n’entrerai pas dans ce débat puisque j’ai fait le choix de me concentrer sur l’épisode de l’ambassade féminine envoyée auprès de Coriolan afin de parlementer avec lui. Retour au texte

9 Plu. Cor. 1, 2. Chez Plutarque, la mère de Coriolan est nommée Volumnia, et son épouse Vergilia. Tandis que chez les autres auteurs (Denys d’Halicarnasse, Appien et Tite-Live), sa mère est nommée Veturia et son épouse Volumnia. Par commodité dans cette étude, je désignerai la mère de Coriolan sous le nom unique de Veturia. Sur la réalité historique ou non de ces personnages féminins, voir Gagé 1963, pp. 48-63, qui y voit une invention étiologique destinée à expliquer le culte de Fortuna Muliebris. À noter aussi que les sources ne fournissent aucune précision sur le père de Coriolan. Retour au texte

10 Liv. 2, 33, 5. Retour au texte

11 Liv. 2, 39, 8 : senatus consulesque nusquam alibi spem quam in armis ponebant, plebes omnia quam bellum maleba. « le sénat et les consuls n’avaient d’espoir que dans les armes ; pour la plèbe, tout était préférable à la guerre » (Trad. Baillet 1982). Retour au texte

12 Par exemple, les longs discours rhétoriques de Denys d’Halicarnasse sont très certainement entièrement inventés. Pour une réflexion sur la construction de la figure narrative de Coriolan, voir entre autres David 2001. Retour au texte

13 A ce propos, voir Boëls-Janssen 1993 ; Champeaux 1982 ; Gagé 1963 et 1976 ; Miano 2018 ; Mustakallio 1990 ; Schultz 2006, pp. 37-44. Retour au texte

14 Cornell 2003, p. 75. Retour au texte

15 Liv. 2, 39 : multitudo ingens pacem poscentium primum seditioso clamore conterruit, deinde uocare senatum, referre de legatis ad Cn. Marcium mittendis coegit. Acceperunt relationem patres, postquam apparuit labare plebis animos. Voir également D.H. 8, 22 ; Plu. Cor. 30 ; App. Ital. 5. Retour au texte

16 Plu. Cor. 30, 4 : οἱ ­δὲ ­πεμφθέντες ­ἀπὸ ­βουλῆς ­ἦσαν ­μὲν ­ἐπιτήδειοι ­τῷ ­Μαρκίῳ, προσεδέχοντο ­δὲ ­πολλὴν ­περί ­γε ­τὰς ­πρώτας ­ἀπαντήσεις ­φιλοφροσύνην ­παρ᾿ ἀνδρὸς ­οἰκείου ­καὶ ­συνήθους (Trad. Flacelière et Chambry1964). Retour au texte

17 D.H. 8, 22, 4. Retour au texte

18 Dans son ouvrage, Denys a souvent recours à des discours au style direct qu’il place dans la bouche de ses personnages. Selon Noé, pour Denys la narration doit fournir à ses lecteurs, des exemples et une expérience qu’ils pourront utiliser. Elle souligne aussi que Denys fait souvent intervenir une discussion, un échange entre ses interlocuteurs avant de parvenir à la résolution d’un conflit car : « Senza l’inserzione di questi lunghi discorsi in momenti culminanti della stasis il lettore non si persuade della verità di un accordo equilibrato raggiunto in una situazione di emergenza » (Noé 1979, p. 38). Retour au texte

19 D.H. 8, 23-36. Retour au texte

20 D’après Tite-Live (2, 39) : « les parlementaires firent un second voyage et ne furent même pas reçus dans le camp » (Iterum deinde iidem missi non recipiuntur in castra). Plutarque (Cor. 31) confirme l’envoi de cette seconde ambassade ainsi que son échec. Retour au texte

21 D.H. 8, 37 et App. 5, 5. Retour au texte

22 D.H. 8, 37, 2-3. Retour au texte

23 Plu., Cor. 32, 2 : ὅσοι ­γὰρ ­ἦσαν ­ἱερεῖς ­θεῶν ­ἢ ­μυστηρίων ­ὀργιασταὶ ­ἢ ­φύλακες ­ἢ ­τὴν ­ἀπ᾿ ­οἰωνῶν πάτριον ­οὖσαν ­ἐκπαλαι ­μαντικὴν ­ἔχοντες, τούτους ­πάντας ­ἀπιέναι ­πρὸς ­τὸν ­Μάρκιον ­ἐψηφίσαντο, κεκοσμημένους ­ὡς ­ἦν ­ἑκάστῳ ­νόμος ­ἐν ­ταῖς ­ἱερουργίαις, λέγειν ­δὲ ­ταὐτά ­καὶ ­παρακαλεῖν ­ὅπως ἀπαλλάξας τὸν πόλεμον οὕτω διαλέγηται περὶ τῶν Οὐολούσκων τοῖς πολίταις. Toutes les sources s’accordent sur la composition de cette troisième ambassade. Voir également D.H. 38 ; Liv. 2, 39 ; App. 5, 6. Retour au texte

24 D.C. 5, 39-40. Retour au texte

25 Il paraît clair aussi que Plutarque et Appien se sont fortement inspirés du récit fait par Denys d’Halicarnasse. Retour au texte

26 Redondo-Moyano 2016, p. 336, remarque que la place que Denys consacre à cet épisode est de longueur disproportionnée par rapport à l’ensemble des Antiquités romaines. Selon elle, cet épisode est présenté comme une micro-histoire qui permet d’apprécier toutes les procédures de compositions narratives de l’auteur. Retour au texte

27 Fromentin 2001, p. 135. Retour au texte

28 Fromentin 2001, p. 135. Retour au texte

29 On retrouve, dans une moindre mesure, de telles indications aussi chez Plutarque et Appien, qui ont certainement utilisé Denys d’Halicarnasse comme source. En revanche, de telles préoccupations sont absentes chez Tite-Live. Retour au texte

30 D.H. 8, 39, 1-2. Plutarque (Cor. 33, 1) et Appien (5, 7) attribuent eux aussi le rôle d’initiatrice du mouvement à Valeria, alors que chez Tite-Live (2, 40), c’est un groupe anonyme de matrones romaines qui en est à l’origine. Retour au texte

31 App. 5, 7 ; D.H. 8, 39-42 ; Liv. 2, 40 ; Plu. Cor. 33. Retour au texte

32 C’est le procédé utilisé en 42 av. J.-C. par les 1400 femmes menacées par un édit promulgué par les triumvirs et visant à taxer leur fortune. Les matrones s’adressèrent alors aux femmes de l’entourage des triumvirs (sœur, épouse et mère) pour tenter de jouer de leur influence. Fulvia aurait d’ailleurs refusé d’intervenir auprès de son époux Marc Antoine (Val. Max. 8, 3). Retour au texte

33 D.H. 8, 43. Retour au texte

34 D.H. 8, 44. Retour au texte

35 Plu. Cor. 34, 3. Retour au texte

36 App. Ital. 5, 8 : οἶα Ῥωμαίων <ἄξια> ἐστὶ καὶ τὰ γύναια. Retour au texte

37 D.H. 8, 45, 1. Retour au texte

38 D.H. 45, 1. En effet, comme le remarque également Redondo-Moyano 2016, p. 337, c’est là une des clés de la force de persuasion des matrones. Retour au texte

39 Plutarque (Cor. 34, 3) et Tite-Live (2, 40, 3-5) rapportent eux aussi la même scène que Denys d’Halicarnasse. Retour au texte

40 D.H. 8, 45, 2. Chez Plutarque (Cor. 35, 1), c’est Coriolan qui fait placer les membres de son conseil à ses côtés pour que sa mère puisse parler. Retour au texte

41 Tout comme Hersilia, l’épouse de Romulus, lorsqu’elle prend la parole en public pour faire cesser les combats entre Romains et Sabins (Liv. 1, 2, 2). Retour au texte

42 D.H. 8, 45-53. Tite-Live (2, 40), Plutarque (Cor. 35-36) et Appien (5, 9-13) rapportent eux aussi, de manière plus courte, un discours prononcé par Veturia. Retour au texte

43 Les membres qui composent des ambassades sont souvent des proches, des familiers ou des connaisseurs de la partie adverse, comme lors de l’envoi de la première ambassade auprès de Coriolan. Retour au texte

44 Redondo-Moyano 2016, p. 338. Retour au texte

45 Liv. 30, 16, 9. Retour au texte

46 D’ailleurs Denys d’Halicarnasse (8, 39, 1-2) précise que Valeria est elle aussi « dans un âge mûr et capable de donner de bons conseils ». C’est cette qualité qui lui permet de convaincre les autres matrones, puis Veturia d’entreprendre cette mission diplomatique. Retour au texte

47 D.H. 54, 1. Retour au texte

48 Plu. Cor., 36, 4. Chez Appien en revanche, elle voulait se jeter à terre, mais son fils l’en empêcha (5, 12). Retour au texte

49 À propos de la gestuelle et de la communication politico-diplomatique, voir Garcia Riaza 2015. Pour un exemplaire similaire chez Polybe (10, 18, 7), voir l’attitude de l’épouse du chef ilergète Mandonius, qui est captive et qui vient se jeter aux pieds de Scipion, en pleurant, pour le supplier. Retour au texte

50 Plu. Cor., 36, 5 : ὁ ­δὲ ­Μάρκιος ­ἀναβοήσας· ­“Οἷα ­εἴργασαί ­με, ὦ ­μῆτερ,”. Retour au texte

51 D.C. 5, 40. Retour au texte

52 À propos du découvrement de la poitrine par un personnage féminin notamment dans le but de raviver les liens de filiation maternels, voir Valette 2012, p. 8, qui rappelle également la discussion actuelle et fournit une bibliographie récente de la question. Retour au texte

53 Voir, notamment chez César (BG 7, 47, 5), le cas de femmes, mères de famille qui, le sein découvert, tendent leurs mains ouvertes en signe de supplication pour ne pas être massacrées. Retour au texte

54 D.H. 54. Retour au texte

55 Plu. Cor. 37, 2-4 : ἅμα ­γὰρ ­ἀφεώρων ­τοὺς ­Οὐολούσκους ­ἀναζευγνύοντας ­οἱ περὶ ­τὰ ­τείχη, καὶ ­πᾶν ­εὐθὺς ­ἱερὸν ­ἀνεῴγει ­στεφανηφορούντων ­ὥσπερ ­ἐπὶ ­νίκῃ ­καὶ ­θυόντων. μάλιστα ­δὲ ­τῇ ­περὶ ­τὰς ­γυναῖκας ­ἀγαπήσει ­καὶ ­τιμῇ τῆς τε βουλῆς τοῦ τε πλήθους ἅπαντος ἔνδηλος ἦν ἡ χαρὰ τῆς πόλεως, καὶ λεγόντων καὶ νομιζόντων γεγονέναι τῆς σωτηρίας περιφανῶς ἐκείνας αἰτίας. ψηφισαμένης δὲ τῆς βουλῆς, ὅ τι ἂν αὑταῖς ἀξιώσωσι γενέσθαι πρὸς δόξαν ἢ χάριν, τοῦτο ποιῆσαι καὶ παρασχεῖν τοὺς ἄρχοντας, οὐδὲν ἠξίωσαν ἄλλο ἢ Τύχης γυναικείας ἱερὸν ἱδρύσασθαι, τὸ μὲν ἀνάλωμα συμβαλόμεναι παρ᾿ αὑτῶν, ἱερουργίας δὲ καὶ τιμάς, ὅσαι θεοῖς πρέπουσι, δημοσίᾳ τῆς πόλεως ἀναλαβούσης. Retour au texte

56 On peut d’ailleurs se demander si elle a véritablement eu lieu. Retour au texte

57 Nous noterons d’ailleurs que, dans l’extrait de Plutarque cité précédemment (Cor. 37), l’auteur utilise l’expression « comme pour une victoire », soulignant bien par là qu’un accord de paix, même favorable, n’est pas considéré comme une vraie victoire militaire. Retour au texte

58 Liv. 42, 38, 8-39,8 et 42, 47,4-8. Retour au texte

59 Toutes les sources reconnaissent le danger de la situation et surtout le danger supplémentaire dans lequel les matrones se mettent en décidant de se rendre dans le camp adverse pour parlementer avec l’ennemi, sans escorte. Retour au texte

60 C’est la question que se pose Valette 2010 à propos des figures féminines dans les Histoires de Tite-Live. Retour au texte

61 À l’instar d’Octavie, qui est intervenue à plusieurs reprises entre son époux Marc Antoine et son frère Octavien. À l’inverse, il n’est d’ailleurs pas impossible qu’Octavie, comme d’autres matrones telles que Cornelia ou Hortensia, aient inspiré Denys d’Halicarnasse et que celui-ci se soit servi de ces femmes pour construire le personnage de Veturia. Retour au texte

Citer cet article

Référence électronique

Lara Dubosson-Sbriglione, « Veturia : négociatrice et ambassadrice de Rome », Eugesta [En ligne], 11 | 2021, mis en ligne le 01 janvier 2021, consulté le 09 mai 2024. URL : http://www.peren-revues.fr/eugesta/108

Auteur

Lara Dubosson-Sbriglione

Université de Lausanne
lara.sbriglione@unil.ch

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